« La Flûte Enchantée » à l’Opéra Bastille

(Re)interpréter La Flûte Enchantée à l’Opéra Bastille

Samedi soir j’avais un rendez-vous amoureux, mais pas avec n’importe qui : avec Mozart ! Cela fait plus d’un an que je le fréquente. Notre histoire a débuté par un coup de foudre un soir de décembre en Allemagne, et depuis nous ne nous quittons plus.

La première fois que j’ai assisté à une représentation de Die Zauberflöte, je ne savais pas vraiment ce qui m’attendait. A vrai dire, toutes ces histoires d’opéra ne m’avaient jamais attirée plus que ça. J’y suis donc allée très détendue, voire un peu passive. J’en suis pourtant ressortie métamorphosée, il s’était passé quelque chose !

Si vous avez de la chance, vous connaîtrez deux coups de foudre dans votre vie : le premier est sentimental, le second est esthétique ; seul un cœur désintéressé peut les accueillir. Pour mon cœur, La Flûte ne pouvait pas ne pas exister, c’était une rencontre nécessaire.

L’intrigue…

Le jeune prince Tamino arrive dans un pays inconnu où trois dames lui confient la mission suivante : sauver Pamina, la fille de la Reine de la Nuit, qui a été enlevée par le méchant Sarastro. Tamino se met en route, accompagné du chasseur-d’oiseau Papageno et d’une flûte enchantée que lui ont confiée les trois dames. Grâce à cette flûte, ainsi qu’à trois jeunes garçons, Tamino et Papageno arrivent dans le royaume de Sarastro. Mais une surprise les attend : le bien ne se trouve pas là où ils le pensaient…

Pourquoi la Flûte Echantée est-elle une source inépuisable de plaisir ?

Est-ce le livret mis en musique par Mozart ? Sa nature symbolique se prête à divers niveaux de lecture selon son âge et sa maturité : on peut voir cet opéra comme un conte féerique pour enfant, ou comme une méditation sur la vie et la mort. Les initiés à la franc-maçonnerie ont pu y relever de nombreux symboles ésotériques, comme l’omniprésence du chiffre 3 et l’opposition entre le jour (Sarastro) et la nuit (la Reine de la Nuit).

Est-ce la musique et les voix qui sont une véritable fête pour l’oreille ? La voix très grave du sage Sarastro (Tobias Kehrer) s’opposent aux aigus de la Reine de la Nuit (Sabine Devieilhe) pour venir dessiner deux rôles conflictuels. Ces deux extrêmes encadrent deux rôles nobles de jeunes premiers (le ténor Pavol Breslik pour Tamino et la soprano Kate Royal pour Pamina) et deux rôles populaires (Papageno et Papagena, respectivement Florian Sempey et Christina Gansch). Le tout apporte de la couleur au tableau et multiplie les possibilités de combinaisons sonores.

Et Robert Carsen réinterprèta La Flûte Enchantée

Dans cette version, Robert Carsen réinterprète le dernier opéra de Mozart. Attention, il ne s’agit pas d’une relecture ou d’une mise à jour qui consisterait simplement à rendre l’œuvre plus contemporaine (comme on pourrait le croire à travers les clichés du spectacle, en voyant par exemple Papageno habillé en clochard). La réinterprétation est si poussée qu’il faut s’attendre à être « saisi ». A ce titre, il serait dommage d’en parler davantage. Si vous êtes un amoureux de La Flûte, je ne peux que vous conseiller cette version de l’œuvre.

Pour ma part j’en suis restée bouche bée, le travail de Carsen est exceptionnel d’intelligence. A mon avis, le seul prérequis est d’avoir déjà vu au moins une fois cet opéra dans sa version classique (tout du moins d’en connaître son interprétation classique) afin de comprendre le travail du metteur en scène. En effet, la réinterprétation des rôles est si radicale que l’on pourrait croire qu’il en a toujours été ainsi si on n’a jamais vu l’œuvre. Or, c’est justement la comparaison qui est intéressante, elle nous éclaire sur une nouvelle manière de concevoir le livret.

Parfois je pense à Mozart en train de créer et je me dis que les œuvres font communiquer les hommes à travers les âges en plus de nous arracher, chacun, à notre suffisance. Même si depuis je l’ai beaucoup trompé avec Wagner, Verdi, Puccini et tutti quanti, j’en reviens toujours à lui avec beaucoup de tendresse.

Infos pratiques : 
Die Zauberflöte Singspiel en deux actes (1791)
Jusqu’au 23 février 2017 à l’Opéra Bastille

Opéra Bastille :
Place de la Bastille
75012 Paris
01 40 01 18 50
Métro : Bastille lignes 1, 5 et 8, RER Gare de Lyon
Bus : 20, 29, 65, 69, 76, 86, 87, 91
Parking : Opéra Bastille, 34 rue de Lyon

Prix : de 5€ à 195€ selon les catégories