« Entretiens d’embauches et autres demandes excessives »
Curriculum vital
On l’a oublié, mais notre tout premier entretien d’embauche s’est déroulé à l’école. Lorsque la maîtresse nous demandait ce que l’on voulait faire quand on serait plus grands. Et quand on n’y avait guère réfléchi, on répondait ce qui nous passait par la tête ou ce qui pourrait bien faire plaisir aux adultes. On ignorait alors que la vie ne serait plus qu’une longue série d’entretiens d’embauche, jusqu’au Jugement dernier où il nous faudrait répondre, une ultime fois, de nos actes passés. Avec son existence en guise de CV.
Des bancs de l’école à sa rencontre avec Dieu, on découvre une chercheuse d’emploi qui ne demande qu’une seule et unique chose : être choisie. Et être aimée, tant qu’à faire. On la suit ainsi d’entretiens en entretiens, tous prenant la voix du journaliste de France Inter Fabrice Drouelle. Il se fait tantôt sympathique (mais sexiste), véhément (à tendance sadique), compréhensif (mais point trop n’en faut), jusqu’à devenir le Tout-Puissant, plus exalté. Quant à la femme en quête d’emploi (dans tous les sens du terme), elle revêt la panoplie de la jeune innocente qui s’excuse d’exister, d’une working girl consciente de ses compétences, d’une femme au crépuscule de la retraite, peu regardante sur un poste payé au rabais qui contredit ses convictions. Quand on n’a plus rien, on est prêt à tout.
Entre deux personnages, on rencontre Solange, conseillère chez Pôle Emploi, clown blanc en costume chatoyant, qui n’hésite pas à masquer son inutilité par des grands gestes, des sourires bienveillants et des encouragements de pacotille.
Laurence Fabre, touchante, vibrante, charismatique, change de personnage avec une facilité déconcertante. Blessée par une entorse, ces femmes qu’elle endosse n’en deviennent que plus émouvantes, car bancales, atteintes dans leur chair autant que dans leur âme. On ressent une empathie immédiate pour elles qui se débattent comme elles peuvent contre un système dont elles ne font pas partie.
Si les questions des hypothétiques employeurs sont tirées de véritables entretiens, on est surtout emporté par les jolies tournures de phrases qui servent à maquiller une solitude sous-jacente. « Je vais mettre un ensemble, comme ça, je serai moins seule ». Les mots d’Anne Bourgeois sont comme des uppercuts de poésie. Et d’humour, bien souvent. Tout comme sa mise en scène, toute en finesse. Si elle et Laurence Fabre (qui ont déjà beaucoup collaboré ensemble) cherchaient un emploi, elles seraient acceptées dès le premier entretien. Et avec les félicitations du DRH.
Infos pratiques :
Entretiens d’embauches et autres demandes excessives, d’Anne Bourgeois, avec Laurence Fabre, du mardi au samedi à 19h, jusqu’au 25 mars.
Adresse :
Théâtre DEJAZET
41, boulevard du temple 75003 Paris
Métro République (lignes 3, 5, 8, 9, 11)
Location : 01 48 87 52 55
Offre spéciale étudiants : 10 euros seulement pour les étudiants munis de leur carte, s’ils réservent par téléphone au 01 48 87 52 55. Offre valable jusqu’au 4 mars inclus.
