Dur de ne pas aimer !
Pari audacieux que d’adapter sur scène la série culte de Canal Plus, Hard. Mais Nicolas Briançon et son casting malicieux ont réussi ce passage qui semblait risqué, mais qui s’avère payant.
Le mari de Sophie vient de décéder brutalement. Un accident stupide qui emporte ce mari et père de famille aimant et ce chef d’entreprise adoré de ses employés. Ces derniers viennent d’ailleurs à ses funérailles, même si leur apparat de deuil paraît quelque peu fabriqué, comme s’il dissimulait quelque chose qui ne serait pas du meilleur effet dans une église. Sophie, retirée dans sa maison de la banlieue parisienne cossue du Vésinet, fervente chrétienne, n’a pas fini de pleurer : sa belle-mère lui apprend les réelles activités de son mari. Il était propriétaire d’une société de production de films pornographiques, Sophie X et son épouse hérite de tout. D’abord révulsée, Sophie tente de se rapprocher de ce milieu qu’elle exècre, bien aidée en cela par un coup de foudre réciproque inattendu, avec Roy Lapoutre, le comédien phare sévèrement membré, de Sophie X…
Difficile de résumer en une pièce d’1h30 quelques trois saisons de la série phare de Canal Plus, Hard. Mais Bruno Gaccio, habitué de la maison, s’en tire plutôt bien, avec juste ce qu’il faut d’irrévérence, sans tomber dans la vulgarité facile qu’un tel sujet pouvait laisser supposer. Impossible en effet d’évoquer l’univers de la pornographie sans verser dans les clichés salaces. Ils existent toutefois, mais tout est recouvert de suffisamment de panache et de classe (merci le casting) pour que l’on rit avec les comédiens et non à leur détriment.
La mise en scène de Nicolas Briançon est pleine de jolies trouvailles (comme la cérémonie endeuillée du début, avec les comédiens qui montent sur scène en passant dans la salle, au plus proche des spectateurs, ou cet intermède hilarant du personnage de Corrado qui nous explique comment avoir une érection en moins de deux) et reste sobre pour autant. Un véritable défi. Deux décors se succèdent : la maison froide, presque clinique, du Vésinet où vivent Sophie et ses doutes et celui du studio de tournage, plus coloré et chatoyant, où règne une joie simple et bon enfant. La famille de Sophie s’est déconstruite (mari décédé, belle-mère cachottière), mais celle de son nouveau travail l’accueille à bras le corps. Tant et si bien qu’elle finit par céder, sans rien perdre de ses principes. Son histoire d’amour, d’abord impossible, puis inéluctable avec Jean-Marc, alias Roy Lapoutre, n’en est que plus touchante.
Mais Hard n’aurait pu être cette joyeuse réussite, sans un casting au diapason. Nicolas Briançon a décidé de prendre certains des comédiens de la série et d’en rajouter de nouveaux, qui s’imbriquent parfaitement dans cette farandole du sexe débridé. On retrouve ainsi François Vincentelli et son appendice de volupté qui fait sa carrière et son malheur en même temps, Charlie Dupont qui a gagné du galon et parfait en Italien heureux de faire ce métier ou encore l’incroyable Stephan Wojtowicz, idéal en vieux routard du X. Se greffent donc Nicole Croisille en belle-mère lesbienne décomplexée, Isabelle Vitari en peste qu’on aime détester et Claire Borotra, Sophie un brin terne face à une telle ribambelle de personnalités.
Pour ceux qui ne connaissent pas la série, la pièce en donne un avant-goût fort délectable. Pour les autres, ils auront le plaisir de retrouver ces personnages aussi drôles qu’émouvants, de les voir s’ébrouer à nouveau, eux dont le seul désir est d’exaucer ceux des autres. Hard or not hard ? Hard, of course !
Hard, au Théâtre de la Renaissance, du mardi au samedi à 21h, les samedis et dimanches à 16h30.
20 boulevard Saint-Martin 75010 Paris.
