Journal d’un vieux confiné… Jour 41

En cette période de confinement, mon ami Rodolphe Trouilleux, qui vient de rejoindre le blog vous fait part d’un journal imaginaire : « Journal d’un vieux confiné  »  Historien, auteur de nouvelles, conférencier, rédacteur au Journal Le Chat Noir, on me présente souvent comme le spécialiste de Paris secret et insolite, rappelant en cela mon livre éponyme. C’est un peu vrai mais Paris dans son ensemble me passionne depuis toujours. La ville d’hier et d’aujourd’hui, ses multiples histoires et faits divers occupent mon quotidien. Incorrigible piéton, je parcours les rues parisiennes en tous sens, et mes découvertes sont nombreuses. Qu’elles soient théâtrales, littéraires, gastronomiques, etc, les surprises sont souvent au rendez-vous et c’est un plaisir de les partager.

 

Quarante et unième jour de confinerie


On n’a reçu aucune visite de patron, et heureusement d’ailleurs, mais ça fait quand même pitié de voir qu’on est oublié de la mairie de la ville et des autres incapables.

J’en ai parlé au ras du plancher, le Paulot. Lui ça lui dit bien de recevoir un patron des masques chez lui. Il a même sorti sa plus belle robe pour l’occase. Forcément, lui, avec son métier de bon à rien dans les mirages il a jamais eu de patron, alors il en a pas de mauvais souvenir. C’était même une sacré védette dans le temps quand il était marchand d’illusions dans les théâtres et les rues. Y faisait des tours avec des cartes et des machines où qui faisait disparaître sa gonzesse de l’époque. Mais ça a mal fini quand il a failli couper sa bonnefemme en deux avec une scie dans un de ses tours. Y lui avait entamé juste un peu le bras alors il a pu arrêter heureusement. Après il s’est mis à jouer dans les casinos avec un nom d’homonyme et il a fait un paquet de pognon mais il a fini au gnouf, accusé de tricher. Normal la tricherie c’était son métier. Depuis qu’elle a arrêté d’être sciée en deux pour de faux, sa femme qui, au passage, l’a laissé tomber, elle est devenue vendeuse au roi Merlin. Y’a une justice tout de même.

Maman elle a trouvé un nouveau truc avec le Kiki : elle prend des cours de Ulla Upe. J’y ai fabriqué un anneau avec de l’isolant pour les fils électriques et du coup je m’en suis fait un pour moi. Au début je trouvais ça facile et marrant de se tortiller mais à la fin c’est pas facile et pis je me suis payé un mal de dos terrible après alors j’ai arrêté les frais. Le gros problème quand elle fait de son Ulla Upe avec kiki pour les leçons, c’est que ça rend complètement folle l’Asticote qui se met à gueuler comme une perdue. Et le chat va se planquer sous la cuisinière. Je crois qu’elle va être obligée d’arrêter.

En attendant elle a tricoté de belles robes en laine pour le paulot, avec des couleurs qu’elle a retrouvé dans sa boîte à laine. C’est beau ce qu’elle a fait, une jaune avec des carrés verts, une rouge à rayures bleues et une autre orange avec des reliefs dessus comme des fruits Elle va lui donner demain comme ça y pourra les mettre quand y voudra.

J’ai sorti la boîte blanche et je l’ai mise en haut des étagères dans la cuisine, pour que Maman elle se prépare à l’ouverture et aux explications. Depuis ça elle fait la tête des mauvais jours. J’aime pas.

C’est tout de même pas de ma faute si elle a fait des cachoteries qu’elle planque dans des fonds de placards. Pour détendre la chose je vais sortir le pinard des grands jours, les piceules et les Crespo fourrées au cochon. Et pis on regardera un épisode de Derrick mais si ça risque de l’énerver un peu, elle aime pas les films d’action. Je suis son mari alors je sais un peu la manier tout de même. Mais c’est plus comme avant les choses de la vie alors je suis pas aidé. On verra bien.

Un autre sujet fâcheux c’est la feuille des impôts. Comme on a des sous de côté dans des machins d’assurance et des champs de patates qui rapportent un peu, c’est moi qui fait la feuille, mais c’est vraiment pas facile. En plus, moi et les chiffres on n’est pas copains. Déjà que l’année dernière j’avais pas déclaré assez et qu’on nous a redressé le porte monnaie.

Enfin tout ça c’est des soucis pour les riches alors que tout compte fait on est des malheureux. Moi avec ma pension de misère je peux pas aller bien loin.

J’avais pas qu’à rester ouvrier qu’elle me dit la Divine dans ses moments désagréables, j’aurais dû passer des examens et devenir centimètre pour commander les autres et comme ça j’aurais une meilleure pension. Oui, mais moi, à part la gloute, j’avais pas d’instruction alors fallait pas me causer de prendre des leçons avec les autres prétentieux de Dubois-Glandier, les bureliers de mes deux qui nous regardaient même pas quand ils allaient aux cabinets. Ça me dégoute rien que d’y penser. Alors ma pension, ne lui en déplaise à Maman, je l’ai gagnée avec mes pognes faut pas exagérer tout de même !

Et merde alors ! Y a plus de Crespo dans le placard !

Encore une soirée ratée qu’on va passer.

J’en ai ras le bol de la confinerie !

Et pour le reste on verra demain !

Copyright R.Trouilleux

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Historien, auteur de nouvelles, conférencier, rédacteur au Journal Le Chat Noir, on me présente souvent comme le spécialiste de Paris secret et insolite, rappelant en cela mon livre éponyme. C’est un peu vrai mais Paris dans son ensemble me passionne depuis toujours. La ville d’hier et d’aujourd’hui, ses multiples histoires et faits divers occupent mon quotidien. Incorrigible piéton, je parcours les rues parisiennes en tous sens, et mes découvertes sont nombreuses. Qu’elles soient théâtrales, littéraires, gastronomiques, les surprises sont souvent au rendez-vous, et c’est un plaisir de les partager.

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