« Paris… J’aime, tu aimes… Nous nous aimons », une nouvelle de Rodolphe Trouilleux / 3ème partie

PARIS NUIT 1

En cette période de confinement, mon ami Rodolphe Trouilleux -qui vient de rejoindre le blog Fille de Paname- et que vous retrouvez tous les jours sur le blog avec son journal imaginaire : « Journal d’un vieux confiné  » vous offre cette nouvelle : « Paris… J’aime, tu aimes… Nous nous aimons »

Rodolphe Trouilleux Historien, auteur de nouvelles, conférencier, rédacteur au Journal Le Chat Noir, on me présente souvent comme le spécialiste de Paris secret et insolite, rappelant en cela mon livre éponyme. C’est un peu vrai mais Paris dans son ensemble me passionne depuis toujours. La ville d’hier et d’aujourd’hui, ses multiples histoires et faits divers occupent mon quotidien. Incorrigible piéton, je parcours les rues parisiennes en tous sens, et mes découvertes sont nombreuses. Qu’elles soient théâtrales, littéraires, gastronomiques, etc, les surprises sont souvent au rendez-vous et c’est un plaisir de les partager.

Pour retrouver la première partie c’est ICI 

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Paris… J’aime, tu aimes… Nous nous aimons

-3ème et dernière partie-

 

La promenade le long des quais fut riche et lumineuse, malgré l’obscurité, toute relative, de la nuit. Après avoir un peu tourné en rond aux alentours de Notre-Dame, en évoquant les souvenirs de nos héros littéraires respectifs. Pour toi c’était Kerouac et sa route compliquée, infinie, pleine d’embûches et de folie et pour moi la silhouette mince et distinguée du jeune Alain Fournier. Tu n’avais jamais lu le Grand Meaulnes, et je t’en citais des passages entiers de mémoire. Il s’échappait des boîtes des bouquinistes, fermées à cette heure, je ne sais quelle odeur fanée, parfum subtil d’encre séchée et de mort. Les rares passants, en nous croisant, s’écartaient prudemment, pensant avoir affaire à quelques fêtards ivres et chercheurs de bagarre.

Tu avais perdu tes chaussures et moi j’avais volontairement abandonné les miennes, pour faire comme toi. Tout en fumant cigarette sur cigarette, tu me vantais les qualités de celle que tu voulais absolument me présenter. Nous étions assis sous un saule, à quelques mètres du fleuve et dans l’air flottait un je ne sais quoi de doux et de parfumé, une brume magique mêlée aux effluves fades de la Seine.

–  Demain… Non, après demain, je l’appellerai et vous vous rencontrerez. Ce sera place des Vosges, près de la statue de Louis… Je ne me rappelle pas du numéro. Tu seras impatient de la voir et elle viendra au rendez-vous légèrement en retard. Elle arrivera enfin et, pour te donner un peu de contenance, tu lui offriras les fleurs que tu avais pris le soin d’apporter.

–  Des fleurs, mais c’est terriblement banal.

–  Elle aime les fleurs… Cela ne se discute pas.

–  Bon…

–  Vous ferez quelques pas dans la rue des Francs bourgeois et tu l’inviteras
dans un salon de thé du quartier : « Le loir dans la théière. »

–  Un salon de thé ? Mais c’est un truc de vieux.

–  Pas pour elle, de toute façon, elle est plus jeune que toi, alors…
Il semblait avoir tout prévu, et je n’avais rien à dire… – il s’était tout de même, par pudeur, arrêté devant la porte de la chambre ! – Sacré Yann, vraiment un curieux garçon !
Quand le registre des recommandations en tous genres fut clos, il se cala contre un pavé et s’endormit. Il m’avait laissé, peut-être par décence et respect pour mes cheveux blancs, la libre disposition du banc situé juste à côté.
Ma nuit fut donc, cette fois-ci, à la belle étoile, sous l’unique couverture du ciel de Paris, faite de moiteur, d’odeurs indéterminées et d’une douceur infinie. Mon sommeil fut celui d’un ange épuisé et heureux, tombé pour devenir le père vaguement adoptif d’un gamin que je ne connaissais pas la veille.

Non, tu ne m’avais pas menti. Elle est arrivée en retard au rendez-vous et fut enchantée par le gros bouquet de pivoines blanches et rouges que je lui offrais, comme ça, avec la gaucherie d’un vieux mec de mon âge.
Si, au fait : tu m’avais vraiment caché combien elle était jolie, avenante, délicieuse.

Je n’ai jamais compris quel goût pouvait bien avoir le thé que nous bûmes alors au Loir dans la théière… J’étais déjà parti bien loin de là, par la pensée, sur des chemins parfumés d’un amour immédiat, unique, passionné.

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J’ai parlé sans discontinuer, lui racontant toutes mes bonnes histoires, mes moins bonnes et, va savoir pourquoi, mes multiples échecs amoureux. Au début, elle semblait un peu intimidée, puis elle se détendit vite, en riant sincèrement au récit de toutes ces choses, souvenirs d’un homme grisonnant, pas vraiment à l’aise dans ses baskets, malgré les apparences.

Elle s’appelle Claudine, je l’aime à la folie, et son fils est vraiment un curieux type, franc et touchant de sincérité, bien digne du mail qu’il m’avait envoyé pour me parler de… Je ne sais plus.

« Voici le bonheur, voici ce que tu as cherché pendant toute ta jeunesse, voici la jeune fille qui était à la fin de tous tes rêves ! » Alain-Fournier

 

 

Copyright Rodolphe Trouilleux, tous droits réservés.

rodolphe

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Amoureuse de Paris, j'aime partager mes découvertes culturelles, gastronomiques... Je vous dis ce qui m'a plu pour vous donner envie de sortir dans cette si jolie ville qu'est Paris où l'on a la chance d'avoir tant à faire, à voir, à goûter et à tester... Également désormais : des interviews !

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