Journal d’un vieux confiné…Jour 54

En cette période de confinement, mon ami Rodolphe Trouilleux, qui vient de rejoindre le blog vous fait part d’un journal imaginaire : « Journal d’un vieux confiné  »  Historien, auteur de nouvelles, conférencier, rédacteur au Journal Le Chat Noir, on me présente souvent comme le spécialiste de Paris secret et insolite, rappelant en cela mon livre éponyme. C’est un peu vrai mais Paris dans son ensemble me passionne depuis toujours. La ville d’hier et d’aujourd’hui, ses multiples histoires et faits divers occupent mon quotidien. Incorrigible piéton, je parcours les rues parisiennes en tous sens, et mes découvertes sont nombreuses. Qu’elles soient théâtrales, littéraires, gastronomiques, etc, les surprises sont souvent au rendez-vous et c’est un plaisir de les partager.

 

Cinquante quatrième et dernier jour de confinerie

Y a le Kiki qu’est venu nous voir dans le jardin avec son masque et un chapeau ridicule, comme un mélange de béret et de bob, et des chaussettes dépareillées. Il avait pas le moral. Comme on n’est pas chiens on a sorti le mousseux des beaux jours et le piceules qui piquent la gueule. Y se demande ce qu’il va devenir avec toutes cette déconfinerie qui s’annonce. Il a pu de goût au métier du Yoga, y trouve ça tarte maintenant, c’est comme si la confinerie ça lui avait donné un coup d’électricité dans la tête et laissé un beau merdier après. Y voudrait se reconvertir dans les bébés ou devenir un fabricant de tarte au jus. Au jus de quoi qu’on lui a demandé mais il le sait pas trop lui-même. Et les bébés il aime bien ça mais ça suffit pas qu’on lui a dit pour en faire un métier. 

Alors comme ça Maman elle a pu de prof de yoga mais c’est pas grâve, elle voulait pu en faire vu que son dos y commence à trop la faire souffrir, surtout près des pieds. Kiki y lui a dit qu’elle pourrait faire un genre de gymnastique chinoise pour les croulants, un truc qu’a été inventé par un monsieur de là-bas qui s’appelle Tachichoine. C’est pas violent et pis ça fait pas suer des masses alors c’est bien qu’il dit. Du coup le Kiki y va peut-être se reconvertir dans ce machin. Y peuvent dire ce qu’ils veulent mais moi j’y crois pas à ce truc. J’ai vu des films de ça sur le ternet et les gens ont l’air d’andouilles quand y font ça comme c’est pas possible.

Enfin moi je m’en fous demain c’est le départ vers notre château en Espagne avec les bestioles. 

On va laisser derrière nous toutes les tarteries de la confinerie pour profiter du bon air. On est des gens simples, des tongs réversibles, un barbecul et des saucisses de Gradoub ça fera la rue Michel. 

Depuis que la Tatiana elle s’occupe de la belledoche c’est comme si elle nous l’avait regonflée à la pompe à vélo, on la reconnait pas tellement qu’elle bouge bien maintenant. Le problème c’est qu’elle se balade partout et que, dès fois, elle me lâche pas avec ses questions sur le Chirac et la Bernadette. Bon, comme y faut prendre sa malle en patience je fais bonne mine mais c’est dur tout de même. Et le pire là-dedans je crois bien que c’est ce qu’elle vient de découvrir. Elle s’est comme qui dirait entachée du Vincent Vincent et encore plus de la Sarah Frisette. Toute la matinée on s’est enfilé son dernier macaroni : « Rêver près de toi c’est partir en amour ». C’est incroyable de voir ce que ça fait à la vioque. C’est comme si ça la ramenait autrefois quand le Cochonnet y lui faisait des agaceries, elle soupire comme une jeune fille de quinze piges. Moi j’ai dit à Maman que fallait faire gaffe, que c’était peut-être mauvais pour ses artères. 

Je raconterai pas tout parce que je suis pas un dégueulasse mais entre moi et Maman c’est à nouveau le temps des gazous gazous sous la couette, comme un renouveau de vigueur au niveau du slip. C’est peut-être parce qu’on m’a pas retiré la grosse tate. Pour le Michel ça a pas loupé, après qu’on l’a opéré y s’est retrouvé comme un gosse de dix ans au niveau de ces choses-là. Et même que les idées il en avait plus. Remarquez qui valait mieux parce que quand vous avez plus l’outillage pour planter votre clou vaut mieux passer à autre chose. C’est pour ça que sa femme, la pauvre Julie, elle a pris un amant, du genre vieux beau et belle bagnole et un dentier du genre chromé. D’après ce qu’elle dit il est pas très doué pour la bricole mais ça comble une dent creuse. C’est vexant tout de même pour le Michel mais bon, il a bien pris la chose et y s’est mis au Scrable avec le Cri cri. Chaque âge a ses plaisirs, c’est comme ça. Moi j’ai pas voulu qu’on me l’enlève la grosse tate, j’y ai dit au toubib que je partirai entier, avec mon appendicite, ma grosse tate, mes amies dales et tout le toutim. Mais après je veux bien qu’on me démonte des pièces quand je serai refroidi. On est bien contents quand un plombier y vient nous remplacer un joint alors faut faire pareil avec nos zorganes pour que ça serve aux autres qui les ont déglingués. 

On a fini la soirée avec le Kiki qui nous a montré des gestes du monsieur Tachichoine. C’est un peu comme si on disait des trucs avec les mains et que personne comprenne, c’est bizarre. Et vous croyez que ces machins-là ça fait du bien à nos vieux os ? Mon œil oui. C’est ce que j’ai dit au Kiki en me reservant du mousseux et une part de saucisse, tout ça c’est des menteries pour le gens qu’on pas de cervelle.

Alors à votre santé et pour le reste on verra demain. 

Copyright R.Trouilleux

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Historien, auteur de nouvelles, conférencier, rédacteur au Journal Le Chat Noir, on me présente souvent comme le spécialiste de Paris secret et insolite, rappelant en cela mon livre éponyme. C’est un peu vrai mais Paris dans son ensemble me passionne depuis toujours. La ville d’hier et d’aujourd’hui, ses multiples histoires et faits divers occupent mon quotidien. Incorrigible piéton, je parcours les rues parisiennes en tous sens, et mes découvertes sont nombreuses. Qu’elles soient théâtrales, littéraires, gastronomiques, les surprises sont souvent au rendez-vous, et c’est un plaisir de les partager.

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