Le nouvel album de Marine Bercot, Ravi(e)s, vient de sortir et promet d’électriser la scène dès que la chanteuse pourra reprendre des concerts. En attendant de l’applaudir, on peut donc l’écouter, mais aussi lire ses coups de coeur qu’elle a bien voulu partager avec nous.
Un album de musique ?
Je me fais constamment des piqûres de rappel avec The Marshall Mathers d’Eminem dont l’énergie me booste plus que n’importe quel album. En ce moment, je puise des ressources dans la musique et Eminem est un artiste qui ouvre des portes chez moi, qui me donne de la force pour devenir toujours plus libre et il fait émerger ce côté guerrière.
Pendant le confinement, j’ai aussi beaucoup écouté Adios Bahamas de Nepal, dont j’aime beaucoup la douceur, l’humanité, l’intégrité qui forment cette œuvre poétique et lucide. Il s’est malheureusement suicidé quelques semaines avant la sortie de cet album. C’est aussi un artiste avec lequel je ressens une connexion forte.
Une chanson ?
J’écoute beaucoup en ce moment Therefore I am de Billie Eilish. J’aime ce thème de l’espace que crée une rupture, de comment ça vous rend plus fort, c’est quelque chose que j’ai aussi exploré dans ma chanson Ravie. J’adore le relief de sa voix, son interprétation, car elle a un timbre très détaché pour livrer une parole incisive et affirmée et j’aime ce contraste qui donne une intensité hyper forte à ce morceau qui tourne dans ma tête nuit et jour. Le hasard fait aussi que l’une des dernières chansons que j’ai enregistrées en mars dernier pour un prochain album, porte le même titre en français, ce sera Donc je suis.
Un clip ?
Je ne connaissais pas cet artiste avant, mais j’ai découvert ce clip très récemment, This is America de Childish Gambino. Il y a un mélange de danse, de violence, d’émotions positives et négatives, avec comme matière le mouvement et l’énergie. Il y a une vraie esthétique dans l’image et l’étalonnage du clip, une espèce de base gris-blanc avec des nuances de rose, de vert… Les couleurs sont sublimes, avec toute une atmosphère très urbaine, très métallique, avec un cheval blanc qui traverse au galop ce décor uniquement composé de matières froides et brutes. C’est frontal, vivant, créatif et le morceau est super. J’aime aussi beaucoup le clip Bad Guy de Billie Eilish.
Un film ?
J’ai adoré récemment Shéhérazade de Jean-Bernard Marlin qui m’a transformée de l’intérieur, il m’a obsédée pendant plusieurs semaines. C’est une histoire d’amour absolument sublime entre deux adolescents en perdition à Marseille, au milieu de la délinquance et de la prostitution. Ils ne se disent pourtant pas une seule fois qu’ils s’aiment, mais on les voit mûrir et changer pour l’autre, par amour.
Sinon, mon film culte, c’est Breaking the waves, de Lars von Trier qui m’a le plus marquée dans ma vie. J’ai aussi eu la chance de voir le prochain film de ma sœur, Emmanuelle Bercot et qui va être magnifique, sur le cancer et sur l’amour. Il va s’appeler De son vivant et je pense qu’il va devenir mon préféré d’elle.
Une série ?
Je regarde très peu de séries et je ne suis pas sûre d’avoir vu les meilleures. J’avais bien aimé Treme qui se passe dans le milieu du jazz à la Nouvelle-Orléans. La seule série que j’ai vue en entier, c’est The Good Wife où j’ai découvert l’actrice Archie Panjabi.
Un documentaire ?
J’ai vu cette année le documentaire américain The Work et que j’ai adoré. Il concerne des détenus hommes issus de prisons californiennes et mélangés à des citoyens ordinaires, en train de se battre ensemble contre leurs propres souffrances, à travers une thérapie de groupe émotionnelle hyper intense. Cela montre un processus de libération entre quatre murs, ça m’a totalement pris aux tripes, car on voit la vulnérabilité de leurs sentiments, alors que ces hommes ont écopé de très longues peines et qu’ils ressemblent intérieurement aux hommes libres qu’ils côtoient. J’aime cette idée qu’il n’y a pas un si grand écart entre les humains, quels qu’ils soient. Et on le voit divinement bien dans ce documentaire.
Une exposition ?
Une qui m’a beaucoup plu avant le premier confinement, c’était sur les travaux de Sylvain Gripoix, au Pavillon Carré de Baudoin. Un mélange de portraits de musiciens, de photos de rue et de carnets de voyage à l’autre bout du monde. Les couleurs sont sublimes, les cadrages et mises en scène sont insolites, tout chez lui est pensé, scénarisé, sophistiqué parfois jusqu’à l’absurde, chaque détail compte tout en laissant une place à la nature et à l’instant présent. Ce qu’il crée est d’une immense poésie, c’est du réel sublimé. Il a depuis fait les photos du livret de mon nouvel album.
Un photographe ?
Je suis très sensible à la photographie. J’achète souvent des livres de photos. J’aime notamment le travail de Stephen Schore dont j’ai plusieurs livres. J’aime aussi William Eggleston. J’aime souvent des photos de gens, de villes, de vie quotidienne.
Un spectacle ?
J’ai adoré le concert de Tom Waits au Grand Rex, en 2000. J’adore cet artiste. En plus d’offrir des textes et des musiques sublimes, il a proposé un vrai spectacle visuel avec une scénographie extrêmement poétique, avec des paillettes dans l’air, de la farine au sol, il apparaissait comme un conteur, un poète, un magicien… C’était à la fois le corps et la voix engagés dans la création et c’est cela qui était si beau. Je pense que c’est le plus beau concert auquel j’ai assisté de toute ma vie, je le garde toujours en tête.
Un livre ?
Je suis très fan de Laurent Gaudé et j’aime beaucoup son roman Ouragan. Il met en scène, avec une écriture sublime et une maîtrise de la langue, plusieurs personnages de la Nouvelle-Orléans, face à l’ouragan Katrina. Il y a un personnage de femme presque centenaire, magnifique et dont la voix ouvre le roman. Je viens aussi de finir un autre roman de lui, Salina : les trois exils sur la thématique de la vengeance, avec un portrait de femme lumineuse, puissante et sauvage et une atmosphère envoûtante. Je suis en train de lire tout ce qu’il écrit !
Un plat préféré ou une recette ?
J’adore les œufs à la coque, avec de l’huile d’olive et un très bon pain au levain et de la coriandre. Mon alimentation réelle, c’est le très bon pain !
Une activité sportive ?
Je fais du yoga iyengar que je pratique plusieurs fois par semaine. C’est devenu une partie intégrante de ma vie, qui rythme mon quotidien. Cela m’aide à maintenir musculature et souplesse, avec une forme de temps pris pour soi, avec du silence, de la respiration. Une alliance parfaite entre l’intérieur et l’extérieur, ça symbolise la liberté et le mouvement.
Une maxime dans la vie ?
J’aime beaucoup ce que disait Nelson Mandela, dont cette phrase : « Je ne perds jamais, soit je gagne, soit j’apprends ». Ou encore « Etre libre, ce n’est pas seulement se débarrasser de ses chaînes, c’est vivre d’une façon qui respecte et renforce la liberté des autres ».
Votre actualité ?
Mon nouvel album, Ravi(e)s que j’espère pouvoir faire vivre sur scène, surtout qu’au départ, c’était vraiment un projet scénique. Je suis donc un peu triste qu’il ne puisse pas être présenté au public pour le moment. C’est frustrant. Mais je suis en train déjà de travailler sur le prochain. On a fait trois titres, notamment avec mon fils, dans une direction plus hip hop.
Merci Marine !
