RENAISSANCE D’UN CHEF-D’OEUVRE À VAUX-LE-VICOMTE

C’est un chantier d’exception que Fille de Paname a visité récemment. Dans le merveilleux château de Vaux-le-Vicomte, des restaurateurs s’affairent à redonner tout son lustre à une œuvre fantastique inachevée : le Grand Salon. 

Le château de Vaux-le-Vicomte est la propriété privée la plus importante de France. Situé au cœur du parc d’une surface de 500 hectares il est le chef-d’œuvre commun de l’architecte Louis Le Vau, du peintre décorateur Charles Le Brun et du jardinier paysagiste André Le Nôtre.

Il a été construit entre 1641 et 1661 (jardins et bâtiments) pour le Surintendant des finances de France Nicolas Fouquet. 

Ce lieu a été le théâtre d’un drame présenté depuis bien longtemps dans les manuels d’histoire d’une manière des plus simplistes. On a bien souvent conté l’histoire du jeune monarque invité à Vaux et jalousant le luxe débordant de la propriété et les fastes de la fête. Influencé par Colbert, Louis XIV a voulu marquer son autorité en accomplissant un acte fort. Fouquet arrêté en 1661, soupçonné à tort de prévarication, fut condamné au bannissement puis à la prison à vie par le roi. Vaux-le-Vicomte fut alors mis sous scellés et le roi saisit la quasi intégralité de ce qu’il contient. Les travaux interrompus laissèrent inachevé le grand Salon et son dôme  et le projet décoratif de Le Brun resta dans les cartons. 

C’est en 1660 que le peintre-décorateur Charles Le Brun réalisa le programme décoratif de ce lieu majestueux et exceptionnel : un plafond ovale souligné de 16 termes en stuc. La fresque, d’une dimension de 400 m2 réunissait les connaissances du moment en architecture, sculpture, peinture, astrologie, astronomie, histoire et géographie. Un véritable manifeste baroque sur le temps qui passe. 

Malheureusement l’arrestation de Nicolas Fouquet le 5 septembre 1661 interrompit définitivement ces travaux et la fresque, dont les dessins préparatoires étaient tous achevés, ne fut jamais réalisée. Une immense perte pour l’histoire de l’art. 

Une gravure ancienne témoigne de l’extraordinaire virtuosité de Charles le Brun. 180 personnages sont réunis dans l’ovale (un travail est réalisé en ce moment même afin de tous les identifier), ceinturé par un serpent se mordant la queue (l’éternité du temps qui passe). Au centre, un soleil éclatant apporte sa lumière à ce peuple d’image, souligné par douze termes de stuc, impressionnants personnages portant les médaillons des signes astrologiques, d’autres figurant les saisons. 

La coupole fut ornée d’un ciel par le peintre Charles Séchan au XIXe siècle. En son centre, un aigle aux aile déployées donnait l’illusion de porter le lustre.

Jamais restaurée depuis sa réalisation, cette architecture, fissurée par endroits, laissait aussi apparaître, comme par transparence, sa structure interne en charpente. Une reprise des fissures et un nettoyage général est réalisé par les restaurateurs, ainsi qu’un nettoyage des termes permettant de retrouver leur blancheur initiale. 

Dans un espace restreint, des essais de mise en couleurs ont été découverts. On peut penser – ce qui est logique quand on visite les autres salles du château – que le décor de stuc devait être polychrome, les termes auraient été ainsi entourés de couleurs et d’ors permettant la réflexion de la lumière et soulignant magistralement l’œuvre extraordinaire de Le Brun. 

Pour permettre au visiteur d’avoir une idée précise de l’œuvre, la technologie la plus performante sera mobilisée. Le parti pris est simple : projeter sur le plafond une image de la gravure, colorisée d’une manière documentée – les esquisses ne comportant pas de couleurs. 

Ainsi, d’une manière totalement virtuelle, les visiteurs pourront se faire une idée précise du décor de la coupole achevé et apprécier enfin toute la virtuosité de l’artiste. 

Il n’est pas inutile de donner quelques chiffres ici pour apprécier l’engagement permanent des propriétaires de Vaux, dont le travail quotidien doit assurer la pérennité des lieux. Le coût de la restauration s’élève à 771 000 euros tandis que la restitution numérique du projet de Charles Le Brun est budgétée pour 1 000 000 d’euros. 

52 % proviennent du mécénat, 5% en fonds propres, 43 % en subventions dont une part importante de la DRAC Ile-de-France et de la région Ile-de-France. 

C’est le prix à payer pour la connaissance et le plaisir, mais aussi un investissement utile pour attirer les visiteurs de cette splendide propriété où l’on découvre, à chaque pas, mille merveilles. 

Nous attendons avec impatience l’année 2022 qui verra l’achèvement de ces travaux, si bien menés, et l’installation de cette restitution lumineuse qui complètera avec bonheur le magnifique décor de Vaux-le-Vicomte. 

Un écureuil à Vaux : reprenant le côté économe de l’animal, cachant des noisettes en précision des duretés de l’hiver et grimpant très haut, l’écureuil est le symbole de Fouquet que l’on retrouve un peu partout dans le château, accompagné de cette devise « Quo non ascendet » (jusqu’où ne montera-t-il pas ?). Le mot Fouquet utilisé dans l’Ouest de la France, désigne un écureuil. Nous ne savons pas si cet usage précéda l’utilisation de ce mot par Fouquet ou l’inverse. 

Le sablier, symbole éternel du temps qui passe…

Une visite superbe…

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Historien, auteur de nouvelles, conférencier, rédacteur au Journal Le Chat Noir, on me présente souvent comme le spécialiste de Paris secret et insolite, rappelant en cela mon livre éponyme. C’est un peu vrai mais Paris dans son ensemble me passionne depuis toujours. La ville d’hier et d’aujourd’hui, ses multiples histoires et faits divers occupent mon quotidien. Incorrigible piéton, je parcours les rues parisiennes en tous sens, et mes découvertes sont nombreuses. Qu’elles soient théâtrales, littéraires, gastronomiques, les surprises sont souvent au rendez-vous, et c’est un plaisir de les partager.

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