Une pièce qui vole haut !
Avec Le Roi des Pâquerettes, actuellement au théâtre de l’Oeuvre, on découvre la nuit qui précède les exploits inoubliables de Louis Blériot, premier aviateur à avoir traversé la Manche en 1909. Une comédie historique et émouvante, portée par une distribution au diapason. Parés au décollage ?
En 2019, on découvrait une jeune compagnie de théâtre au nom particulièrement représentatif : Les Inspirés. Ils avaient alors écrit et interprété la pièce à succès Et si on ne se mentait plus ?, comédie haute en couleurs dans laquelle Jules Renard, Alphonse Allais, Alfred Capus, Tristan Bernard et Lucien Guitry devisaient de concert au cours de déjeuners gaillards. Une pièce tirée de faits réels et qui a permis de faire découvrir au grand public cinq comédiens épatants : Maxence Gaillard, Emmanuel Gaury, Guillaume d’Harcourt, Nicolas Poli et Mathieu Rannou. Trois ans après, ils répondent presque tous à l’appel, (ne manque que Nicolas Poli), pour un nouveau spectacle mêlant histoire et humour, Le Roi des Pâquerettes.
Nous voici à Calais, dans la nuit du 24 au 25 juillet 1909. Louis Blériot, industriel et pilote d’avion, s’apprête à traverser la Manche avec l’aéroplane de sa conception. Mais d’autres rivaux ont bien décidé d’en faire autant, tel le playboy aventurier Hubert Latham. Au cours de cette longue nuit dans une chambre d’hôtel cosy, Blériot va tout affronter : une cheville foulée, un journaliste collant, des problèmes mécaniques auxquels s’attèle son homme de main et une météo capricieuse. Heureusement, il peut compter sur son épouse Alice pour l’épauler et le soutenir dans toutes ces épreuves. Jusqu’à ce que les nuages se dissipent un à un…
Pendant les trois-quarts de la pièce, on assiste donc aux atermoiements de Blériot (incarné avec conviction par un charismatique Maxence Gaillard), forcé par le destin à rester cloîtré dans sa chambre d’hôtel, alors qu’il ne souhaite qu’une seule chose : marquer l’histoire de l’aviation à jamais. Les situations humoristiques ne manquent pas, portées par le dynamisme des comédiens. Feydeau ne semble jamais bien loin, notamment au cours de la scène surréaliste où Alice Blériot tente d’alcooliser le séducteur Hubert Latham afin de l’empêcher de prendre l’avion le lendemain. On oscille ainsi entre anecdotes historiques (sur le passé de Blériot, ses nombreuses chutes et ses rêves de grandeur) et des instants de haute comédie, sans temps mort, grâce à la mise en scène efficace de Benoît Lavigne.
Mais c’est surtout le dernier quart qui emporte l’adhésion. Celui où l’on suit, presque en temps réel, comment Blériot parvient à prendre son aéroplane, comment il s’envole au-dessus des flots, au péril de sa vie et comment il parvient à se poser, de l’autre côté de la Manche. Ici, point de décors, point d’effets comiques ou de lumières, la vérité nue, rien qu’elle, racontée avec intensité. Un instant magique et fort en émotions, qui font que le Roi des Pâquerettes est devenu, l’espace de quelques heures, le dieu des cieux. Et plus d’un siècle plus tard, un héros de théâtre.
Au théâtre de l’Oeuvre (55 rue de Clichy 75009 Paris), du jeudi au samedi à 19h et le dimanche à 17h. Jusqu’au 3 avril.
