Molière comme vous ne l’avez jamais vu !
Avis aux amateurs de théâtre et à ceux qui aimeraient le devenir… Zig Zag est fait pour vous. Une vraie (fausse) conférence sur la mise en scène, ponctuée de numéros de comédiens épatants et impressionnants, autour de trois versions d’une seule et même scène de Molière. Une pièce qui va droit au coeur !

On connaissait Xavier Lemaire en tant que metteur en scène (notamment des Coquelicots des tranchées, succès public et critique, Molièrisé en 2015). Le voici qui se mue en conférencier, en alternance avec un autre metteur en scène reconnu, Alain Sachs. Comment est né le théâtre ? Depuis quand prend-il cette forme particulière d’un public qui vient admirer des comédiens s’ébattre sur scène en suivant un texte (ou en improvisant) ? Et surtout, qu’est-ce qu’un metteur en scène ou en espace ? À quoi sert-il exactement ? Qu’est-ce qu’une direction d’acteurs ? Autant de questions qui sont passionnantes pour les amateurs éclairés de théâtre, qui y vont régulièrement et qui pourraient paraître rébarbatives pour celles et ceux qui ne s’y rendent que sporadiquement. C’est là où Zig Zag se montre malin et ludique.

Car Xavier Lemaire s’est adjoint les services de deux trublions. Deux techniciens qui installent petit à petit les décors, en un numéro de clowns bien huilés, expliquant au passage leur fonction de petites mains de l’ombre pourtant si essentielles. Et deux trublions qui vont se transformer en deux comédiens, pour incarner, sur trois variations, la même scène du Médecin malgré lui de Molière. D’abord, comme elle était initialement écrite, avec costumes d’époque, course-poursuite effrénées, maquillages outranciers, accents de vieux français. Pour illustrer son propos sur l’art de la mise en scène et que d’une seule et même pièce, on peut en faire tout autre chose, Xavier Lemaire va ensuite en proposer une nouvelle version, moderne, façon Théâtre de l’Odéon : absence de décors, unité de costume (noir corbeau), lumières minimalistes aux néons et voici Molière désincarné, à l’humour absent (mais d’une force comique qui emporte tout, tout de même) et au propos atone.

Enfin, après deux castings pour le moins étonnants (un comédien chevronné prétentieux et une apprentie comédienne qui ignore qu’il faut apprendre un texte), on en arrive à la dernière variation. Xavier Lemaire explique à ses deux comédiens ce qu’il attend d’eux : du réalisme à tout crin. De la petite maison champêtre de la première version, voici une décharge jonchée de détritus et de canettes de bière vides. D’une course-poursuite comique, on en vient à une scène de ménage cruelle, avec coups et crachats. Molière a fini de faire rire. Et pourtant, il s’agit du même texte, à la virgule près. Seules les indications de mise en scène ont changé…

Si Zig Zag est une telle réussite, c’est surtout grâce à ces deux comédiens qui interprètent encore et encore la même scène avec une énergie redoutable. Ce sont eux qui font véritablement le sel de ce spectacle, car il n’est pas le premier et ne sera pas le dernier, à montrer qu’une pièce de théâtre change du tout au tout quand on en modifie les intentions. Eux, ce sont donc Isabelle Andreani et Franck Jouglas. Leur complicité et leur talent à se fondre dans des personnages à la fois semblables et différents, en font l’attraction et l’essence, d’une conférence décidément pas comme les autres…
Zig Zag, au Petit Montparnasse, jusqu’au 4 mars 2018.
31 Rue de la Gaité
75014 Paris