C’est l’histoire du choix d’un homme, Thierry, de devenir enfin celle qu’il est depuis toujours : Mathilde. Son courage nous touche et nous fait réfléchir sur le respect de soi et sur la différence…
« Choisir de vivre » est l’adaptation sur scène du roman de Mathilde Daudet. Mathilde est né garçon, arrière-petit-fils de l’écrivain Alphonse Daudet, issu d’une famille catholique et traditionaliste. Devenu grand reporter de guerre et risquant sa vie, père de quatre enfants , il a décidé, avec le soutien de sa dernière femme de devenir enfin à plus de cinquante ans, celle qu’il est vraiment depuis l’enfance.
Cette vision de l’intérieur est bouleversante et rare. Depuis le magnifique film documentaire de Sébastien Lifshitz sur Bambi, la très célèbre transsexuelle, je n’avais pas vu encore d’objet artistique si réussi sur le genre.
L’écriture rend parfaitement l’immense difficulté de cette dualité à l’intérieur du corps, de ce mal être qui prend toute la place, et enfin, de l’éclosion du soi. Mais le changement de sexe fait peur, et toute la crainte parfois violente qu’elle provoque, peut devenir rejet, en miroir peut-être dans le regard des autres qui ne comprennent pas. Car si en tant que spectateurs nous n’avons pas forcément de doutes sur notre identité sexuelle, en revanche ce spectacle nous engage à la réflexion sur nos propres choix de vie.
Il en faut du courage pour tuer l’homme que l’on a été. Il en faut pour s’aimer encore, autrement, avec la même conscience mais dans un nouveau corps. Il en faut aussi pour traverser le parcours médical et psychiatrique, puis subir l’opération à Bangkok. Et il en faudra du courage pour se dévoiler sous le regard post-opératoire de l’entourage, étonné et curieux , mais qui se détournera parfois.
La comédienne Nathalie Mann dont la voix est prodigieuse et si particulière, nous embarque dans ce labyrinthe émotionnel complexe. Elle incarne avec une justesse, et une sobriété de jeu impeccable, cette femme qui est née avec un sexe d’homme. Thierry a grandi en subissant tous les clichés éducatifs d’un petit garçon dans les années 50. Quelle difficulté que d’être balloté entre la virilité imposée par la société, la religion, les engagements familiaux que l’on veut honorer et un goût immodéré et gardé dangereusement secret pour les robes en mousseline…
La mise en scène de Franck Berthier s’avère intelligente et visuellement originale et belle. Il nous raconte brillamment cette « histoire d’âme ».
On sait que dans notre société actuelle , certains jugent ou se moquent encore ou simplement ne cherchent peut être pas à comprendre ce malaise profond de n’être pas né du bon sexe. Il faut pouvoir entendre la souffrance que peut engendrer la sensation profonde de se ressentir « autre ».
Pour moi cette pièce est nécessaire, et la façon dont l’auteure, le metteur en scène et la comédienne s’en emparent, en font un spectacle pertinent et émouvant sur la liberté de chacun d’être au monde.
Même si l’on parle ces dernières années peut-être plus et mieux de la transsexualité, notamment grâce au travail des associations, ce sujet reste tabou. Ce seul en scène est le récit juste et sensible d’une quête identitaire et même existentielle, et c’est pour cette raison que ce texte est passionnant. Dans » Choisir de vivre » c’est l’humanité et sa complexité qui sont brillamment interrogées.
avec Nathalie Mann
adaptation et mise en scène de Franck Berthier
d’après le roman de Mathilde Daudet
LE MARDI ET MERCREDI A 19H
LE DIMANCHE A 19H30
Studio Hébertot
