“LES SORCIÈRES DE SALEM” AU THÉÂTRE DE LA VILLE

Copyright Jean-Louis Fernandez

Les nouvelles mises en scène d’Emmanuel Demarcy-Mota sont toujours très attendues mais celle-ci l’est d’autant plus de par son choix d’adapter le chef-d’œuvre d’Arthur Miller, Les Sorcières de Salem. Et c’est une réussite.

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Les Sorcières de Salem est, d’abord, une pièce complexe. Elle raconte la chasse aux sorcières dans la ville de Salem (aux États-Unis) : des jeunes filles, pour se protéger d’ennuis avec l’église ont accusé de nombreuses personnes d’user de sorcellerie et de pactiser avec le diable. On suit dans la pièce le personnage de John Proctor qui, par négligence, ne prend pas au sérieux cette histoire et se retrouve mêlé directement aux accusations. On suit également le personnage d’Abigail Williams, accusatrice et meneuse du groupe de jeunes filles,  qui agit par vengeance amoureuse : elle a été la maîtresse de John et en veut à sa femme. Écrite en période de maccarthysme par Arthur Miller, c’est évidemment pour dénoncer ces faits, mais aussi pour montrer comment l’humain est forcé d’apparaître dans son rapport au groupe : avec ou contre.

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Demarcy-Mota signe ici une mise en scène fluide et poignante d’une pièce aux nombreux personnages et à l’intrigue chargée. La façon dont chaque scène s’enchaîne, avec l’apparition ou disparition des personnages et décors, nous permet de rester constamment sur la corde narrative. Rien ne nous éloigne des comédiens subtilement éclairés par une lumière blanche, à l’inspiration flamande réussie. L’époque est restituée par un clair-obscur davantage que par les costumes, sobres et intemporels. Par ce procédé, nous n’oublions pas que l’intrigue se déroule au 17ème siècle, époque aux idées archaïques concernant la religion. À l’inverse, on ressent un sentiment de modernité, comme ci la pièce que nous étions en train de regarder pouvait être une prophétie… Immergés dans un mélange de projections vidéos et d’habillements sonores qui recréent une forêt la nuit, nous percevons l’angoisse, plongés dans un imaginaire maléfique.

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Force est de constater que le point de vue d’Emmanuel Demarcy-Mota sur la pièce et ses choix de mise en scène ne sont pas pour déplaire. Dans cette version Tituba collabore d’emblée avec les jeunes filles qui semblent détenir de véritables pouvoirs. Le rôle d’Abigail est joué par Elodie Bouchez, vénéneuse et surprenante de justesse qui a su capter la fougue de l’adolescence. Enfin, et merci au Théâtre de la Ville d’être aussi moderne que leurs homologues britanniques : des rôles importants sont donnés à des comédiens d’origines et ethnies multiples. Cela surprend au début car c’est une pièce sur des pionniers  blancs, qui  font preuve de racisme envers leur servante barbadienne Tituba : ce décalage n’est plus évident, mais il apparaît toujours. 

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En résumé, que ce soit pour la pièce qui est un chef-d’œuvre, la mise en scène implacable ou encore pour l’interprétation audacieuse, vous en sortirez à coup sûr bouleversé.e.

 

Hillel

Les Sorcières de Salem d’Arthur Miller

Au Théâtre de la Ville jusqu’au 19 avril 2019

Mise en scène et version scénique : Emmanuel Demarcy- Mota

Avec Elodie Bouchez, Serge Maggiani, Marie-France Alvarez, Grace Seri…

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