
Guilty pleasure
Le Théâtre de la Pépinière propose une relecture de la pièce culte d’Agatha Christie, La Souricière, qui fait le bonheur du West End londonien depuis 1952. Gageons qu’elle durera aussi longtemps à Paris, tant le spectacle est délicieusement retors et espiègle.
Quand en 1952 se joue la première pièce de la papesse du polar Agatha Christie, La Souricière, personne n’aurait cru et surtout pas elle, qu’elle se jouerait encore de nos jours et serait devenue une véritable institution. 27 000 représentations plus tard, léguée à son petit-fils devenu millionnaire grâce aux droits d’auteur, La Souricière continue d’enchanter les spectateurs et de les faire enrager face à l’enquête qui y est menée. Et gare à celui ou celle qui divulguera le fin mot de l’histoire !

Bienvenue à l’hôtel Monkswell qui vient à peine d’ouvrir ses portes. Ses propriétaires, M. et Mme Ralston, attendent avec impatience leurs premiers convives. Ils ne seront pas au bout de leurs peines, tant chacun a sa propre personnalité désarçonnante : il y a Christopher Wren, superficiel, monté sur ressorts et imprévisible. Il est suivi de Mme Boyle, vieille fille acariâtre qui critique tout ce qui passe devant ses yeux. Elle est accompagnée du Major Metcalf, pétillant ancien militaire à la retraite et en kilt. Ils sont rejoints par l’étrange Miss Casewell qui semble dénuée de la moindre émotion. Enfin, se présente l’imprévu M. Paravicini, à l’accent russe improbable. Quand Mme Boyle est assassinée, c’est le branle-bas de combat. Tout le monde est suspect aux yeux du sergent Trotter (parfait Marc Maurille), un inspecteur qui s’invite dans la pension pour mener son enquête. Laquelle semble en rapport avec un meurtre récent commis à Londres…

Nous n’en dirons pas plus sur l’énigme qui tient en émoi les spectateurs jusqu’à la résolution finale, digne des plus grands romans d’Agatha Christie. Les amateurs du Cluedo et les autres en auront pour leur compte, d’autant que de nombreux gags visuels émaillent l’enquête. Une version nettement différente de celle de 1971 (Ladislas Chollat oblige) qui avait été jouée au Théâtre Hébertot, pour en faire une pièce intemporelle, ni contemporaine, ni d’une autre époque, sous l’égide de l’auteure dont le portrait trône au milieu de l’escalier du décor.

Tout commence en chanson, avec les époux Ralston qui annoncent la couleur avec humour et naïveté, même si l’on pressent que chacun a quelque chose à cacher. Des chansons, il y en aura deux autres, au milieu et à la fin, comme pour encadrer l’enquête d’un divertissement façon téléfilm policier à la télévision (avec Hercule Poirot tant qu’à faire). Les costumes sont chamarrés, chaque personnage est solidement caractérisé et campé, le décor, astucieux, donne envie de se lover près de la factice cheminée, face à l’immense baie vitrée où tombe la neige. Tout est feutré autour du bruit omniprésent des vociférations de ces personnages bien mal en point, accusés tour à tour ou s’accusant les uns les autres. Aucun temps mort, aucun répit n’est donné aux spectateurs pour tenter de dénouer l’énigme avant la résolution finale. Et quand bien même on élaborerait une hypothèse que l’on se tromperait d’autant. Tel est le pouvoir d’Agatha Christie, qu’elle a gardé même d’outre-tombe. Vous voilà piégés à votre tour dans cette Souricière drôle et prenante comme une partie de cache-cache, d’où il vaudrait mieux ne pas être trouvé…
Au Théâtre de la Pépinière, 7 rue Louis le Grand 75002 Paris
Du mardi au samedi à 21h, également le dimanche à 15h30.
cela a l’air d’être une belle adaptation!