En cette période de confinement, mon ami Rodolphe Trouilleux, qui vient de rejoindre le blog vous fait part d’un journal imaginaire : « Journal d’un vieux confiné » Historien, auteur de nouvelles, conférencier, rédacteur au Journal Le Chat Noir, on me présente souvent comme le spécialiste de Paris secret et insolite, rappelant en cela mon livre éponyme. C’est un peu vrai mais Paris dans son ensemble me passionne depuis toujours. La ville d’hier et d’aujourd’hui, ses multiples histoires et faits divers occupent mon quotidien. Incorrigible piéton, je parcours les rues parisiennes en tous sens, et mes découvertes sont nombreuses. Qu’elles soient théâtrales, littéraires, gastronomiques, etc, les surprises sont souvent au rendez-vous et c’est un plaisir de les partager.
Quarante cinquième jour de confinerie
La déconfinerie ça se prépare qu’elle m’a dit Maman, alors on amis nos habits de Corona pour sortir tous les deux et on s’est fait un auzvess spécial en rajoutant une case : « Pour la bagnole ». Et là avec des masques, des gants en caoutchouc vulgarisés et tout le bazar de ménage on n’a pas été loin, dans la rue d’à côté où ce qui y a que des vieux et des impuissants.
Et là on a retrouvé notre auto, une belle citron des années soixante-dix, un modèle qu’on nous a demandé souvent pour les collections, vu que ça se fait plus et qu’elle est pas trop en mauvais état. C’est un machin bien pratique, comme une camionnette avec des portes. Comme le toit ouvrant il est bloqué, on a collé une planche de contreplaqué dessus, que Maman elle a fixé avec des rivets propres, ces trucs à la gomme qui se plantent tout seul avec une pince.
Les portes elles grincent et faut bien les claquer pour qu’elles ferment mais c’est comme le reste du matériel d’origine. Je l’avais acheté à un mec qui séminait des vaches de la campagne, enfin c’est ce qui m’avait dit. Pas cher en liquide, c’était une affaire. Comme on voyait un peu la route à travers le plancher on y a mis des bouts de lino, ça colmate bien et ça fait chic en même temps. Comme la voiture elle est toute noire on a mis que des trucs jaunes à l’intérieur pour faire cosy. Les sièges c’est beau avec la moumoute couleur canari, ça classe le véhicule.
On en a fait de la route avec ça et on pourrait faire le tour du monde avec, c’est un moteur solide qui y a dedans, du genre à compressions multiples avec des tas de tuyaux et des ventouses. Y parait que ça se fait plus à cause des accidents et des explosions du moteur. Nous en s’en fout on n’a jamais eu de problème.
Faut dire que Maman quand elle prend le volant c’est une championne, elle connait sa machine et heureusement d’ailleurs, sinon ou pourrait jamais rouler à 150 sur les nationales. Bon ça vibre un peu mais c’est bien quand même, et pis comme le pot d’échappement il est à moitié mort ça fait comme un bruit de machine à laver au moment de l’essorage mais c’est bien quand même.
Moi je conduis pas. J’ai bien essayé d’avoir le permis mais ils ont jamais voulu me le donner, c’est pas sympa tout de même. La première fois j’ai pas roulé dans le bon sens et on a failli se faire écraser par un camion, là je comprends. La deuxième j’avais un peu trop abusé du kir avant de prendre le volant, histoire de me mettre à l’aise, alors j’ai emplafonné trois réverbères à la suite et j’ai pété un arrêt de bus à moitié, c’est vrai que c’était pas terrible. Mais la troisième c’était pas juste, la mémé que j’avais failli renverser quand j’avais écrasé son chien, elle, elle a rien eu ! Et le parcours que j’avais fait avant il était out propre alors tout ça c’est que c’était à la gueule du client, genre la fille qu’avait une jupe ras la friandise et maquillée comme une je sais pas quoi, elle l’a eu du premier coup !
Alors c’est pour ça que je conduis pas. Mais c’est moi qui fait l’entretien de la bagnole et qui remplit la boîte avec de l’essence, faut le faire tout de même.
Là on a tout nettoyé à l’eau de javel pour enlever le virus de la Corona et pis on a mis un déodorant sent bon type WC/lavandes/fleurs des bois à l’intérieur pour qu’on ait le bon air dedans.
Ensuite on a emballé toute la voiture dans un plastique de congélation pour la protéger. Ça a pas été facile surtout pour passer en dessous avec les rouleaux. Mais maintenant on craint plus rien, quand on partira pour le départ on ça sera bien. En plus j’ai collé des étiquettes dessus avec du scotch : « enlevé vos sales paltes de la cé propre ! ». Vu de loin c’est pas la bagnole de n’importe qui.
Enfin c’était bien. Quand Maman elle s’est aperçu qu’elle avait oublié les clefs de la maison à l’intérieur de la caisse elle est devenue complètement enragée !
Bon, alors comme y faut tout déballer et réballer, je vous laisse.
Pour le reste on verra demain.
