En cette période de confinement, mon ami Rodolphe Trouilleux, qui vient de rejoindre le blog vous fait part d’un journal imaginaire : « Journal d’un vieux confiné » Historien, auteur de nouvelles, conférencier, rédacteur au Journal Le Chat Noir, on me présente souvent comme le spécialiste de Paris secret et insolite, rappelant en cela mon livre éponyme. C’est un peu vrai mais Paris dans son ensemble me passionne depuis toujours. La ville d’hier et d’aujourd’hui, ses multiples histoires et faits divers occupent mon quotidien. Incorrigible piéton, je parcours les rues parisiennes en tous sens, et mes découvertes sont nombreuses. Qu’elles soient théâtrales, littéraires, gastronomiques, etc, les surprises sont souvent au rendez-vous et c’est un plaisir de les partager.
Cinquante et unième jour de confinerie
Comme on va vers les chaleurs du beau temps, y paraît qu’on va rouvrir les camps des tout nus. C’est Mémène, la femme de Lucien qui me l’a dit, et comme son bonhomme il est guéri de sa maladie de lapin (y mange toujours des carottes comme des bananes mais c’est pas grave) y vont y aller dès qu’ils pourront. Elle a déjà préparé la valise, mais comme de toute façon y vivent à oualpé là-bas, c’est du vite fait : bobs, tongs, huile à bronzer et puis basta.
Le plus beau dans l’histoire c’est qu’il vont emmener avec eux la Calamité Jeanne et son mistigri. Ça doit lui manquer de plus se balader à oualpé avec ses plumes où je pense comme quand elle était jeune. je prendrai pas mon billet même avec une réduction pour la mater vu que maintenant c’est plus un monument hystérique qu’une merveille du monde. Mais faut pas être vache, on peut pas être et avoir tété comme dit l’autre.
Et voilà que le Paulot, le ras du plancher, y se tâte pour venir dans le groupe. Bon, faut bien qu’y réfléchisse que je lui ai dit, c’est pas là bas qui pourra mettre ses robes à fleurs et ses jupes de Minnie, chez les tout nus on se balade les mains dans rien et on se fait pas remarquer avec des tenues exotiques, faut être discret et bien élevé qu’elle m’a dit Mémène, et c’est pas le genre d’endroit où qu’on met les mains aux fesses vu qu’il y a rien dessus en plus.
Mais le problème avec le Paulot c’est que pour le réfléchissement c’est pas le plus fort de la bande. Y a des gens comme ça, gentils mais qui sont nés cons et à qui faut pas demander d’avoir inventé le philtre à couper le beurre. A part ses histoires de robes et de maquillage faut pas trop l’entendre causer des choses sérieuses vu qu’il comprend pas tout. Mais bon, si y veut se mettre à poil pour faire comme les autres d’à côté ça le regarde. Moi ça me dirait rien vu qu’avec le temps, moi et Maman on s’est comme qui dirait affaissés sur nous-mêmes et avec des plis en plus, alors pas la peine d’imposer le spectacle de la fin des haricots trop cuits à tout le monde. Et pis c’est bizarre tout de même, d’aller faire ses courses comme ça, seulement habillé avec le Caddie et les filets à provision. Et pis on peut pas s’empêcher de faire des comparaisons tout de même, surtout quand on est entre hommes. Le Lucien y s’en fout vu que côté appareillage il a été gâté le jour de la distribution. C’est pas le cas de tout le monde.
Et pis accepter que tout le monde mate sa femme c’est un peu drôle. Mais je me suis laissé dire que y avait pas mal d’histoire de corneculs là-bas, c’est normal, c’est la nature après tout.
Comme Maman elle en avait marre de la télé et des séries d’action comme Derrick elle a décidé d’être intellectuelle et elle s’est abonné à un machin où ils envoye les livres qui faut lire, France Moisie que ça s’appelle.
Eh bien c’est pas terrible moi je trouve. La première semaine elle a reçut un livre sur les épluches patates ou un truc dans le genre écrit par un économisse qu’on voit à la télé. C’est bien du papier gâché pour expliquer pas grand chose. Après elle a eu un truc dégeulasse sur les tueurs en série et des affaires de crimes inexpliqués. Si c’est pas expliqué on se demande pourquoi ils écrivent des choses pareilles. Le troisième c’était un machin de mémoire sur une védette de cinoche qui expliquait qu’elle était née malheureuse dans un quartier de fauchés et de voleurs mais qu’elle avait réussi à s’en sortir en vendant des cure-dents à la sortie des cinémas. Et maintenant elle vit chez Ali Vod dans une grande baraque et même que ses cure-dents y sont en or massif avec des diamants au bout. Qu’est-ce qu’on en a à fiche de ses histoires à la gomme ? Le prochain y paraît que ça sera un roman qu’on vent que dans les gares, un truc de clocharde qui rencontre un prince charmant à nouillorke. Moi je lis pas d’habitude, alors toutes ces histoires à l’eau de rose ça me laisse froid. Le journal ça me suffit à lire pour les nouvelles et les zoroscopes, j’ai pas besoin qu’on me raconte les misères des autres et en plus, inventées, alors qui y a tant de malheur dans le monde.
Alors, après tout ça, voyez, pour le reste on verra demain.
