Une farce qui ne manque pas de panache !
Si Le Dindon de Feydeau a déjà été maintes fois revisité, Philippe Person lui donne un souffle nouveau en l’expédiant au beau milieu de nos années 1970, costumes, décor et bande-son à l’avenant. L’occasion de redécouvrir au Lucernaire un texte qui n’a pas pris une ride et où le cocufiage est élevé au rang d’art.

Feydeau est véritablement entré dans le panthéon des auteurs de théâtre intemporels, qui ne manquent jamais d’être célébrés à travers les siècles et décennies. Pas une seule saison sans que plusieurs de ses pièces ne soient jouées et ce, même à la Comédie-Française. C’est au Lucernaire de lui rendre hommage, avec une nouvelle version du Dindon qui fera date ! Ici, ça swingue sur des tubes des Seventies, les personnages sont dotés de pattes d’eph’, de cols pelle à tarte et de chemisiers à pois. On est au bord du psychédélisme, sans que pour autant, ce déplacement dans le temps ne gêne le propos. Le talent de Feydeau est d’écrire des histoires qui paraissent toujours les mêmes, tout en étant différentes et suffisamment (im)pertinentes pour êtres interprétées à toutes les époques.
Pontagnac trompe allègrement sa femme. Il aimerait beaucoup le faire avec Lucienne, celle de son ami Vatelin, mais celle-ci refuse de le cocufier, tant qu’elle n’aura pas la preuve irréfutable que ce dernier en fait autant. Ce n’est pas faute d’être courtisée pourtant, notamment par Redillon, ami de son époux. Mais Vatelin paraît irréprochable. Jusqu’à l’arrivée impromptue de sa maîtresse anglaise Maggy, en court séjour à Paris et qui a bien envie de reprendre leurs ébats là où ils en étaient à Londres. Lucienne, Pontagnac, Vatelin et Redillon vont alors se retrouver dans un vaste tourbillon où les coeurs vont s’enflammer dans le seul but de faire rire les spectateurs.
Dans une mise en scène sobre (quelques éléments de décor seulement, qui passent aisément d’un salon cosy à une chambre d’hôtel bas de gamme ou en garçonnière), tout ce beau monde parvient à se mouvoir sans perdre haleine, malgré le rythme effréné donné dès la première minute, avec un Pontagnac et une Lucienne en pleine course folle, l’un en prédateur, l’autre en proie étonnée. Ici, c’est entendu, les hommes ne savent pas tenir leurs pulsions animales, dans une ambiance pré #metoo. Mais le post #metoo n’est guère loin non plus, puisque les femmes sont loin de se laisser faire. Au contraire, elles manipulent ses messieurs en fonction de leurs désirs à elles, même si elles souhaitent davantage d’être éprises que prises.
Les comédiens semblent se réjouir d’avoir tout le loisir de cabotiner, Philippe Calvario et Jil Caplan en tête. La chanteuse qu’on est ravi de retrouver en tant qu’actrice après son expérience prometteuse dans Juste la fin du monde avec déjà, Philippe Calvario, donne de la voix avec justesse dans un double-rôle (maîtresse et femme bafouée). Elle qui fut La Charmeuse de serpents dans les années 1990 est désormais celle des scènes de théâtre. Le Dindon, lui, demeure une farce qui n’a pas fini de faire glousser.
Le Dindon, au théâtre du Lucernaire, 53 rue Notre-Dame-des-Champs 75006 Paris. Jusqu’au 31 décembre, du mardi au samedi à 21h et le dimanche à 18h.
