Au TGP, Théâtre national de Saint Denis, la comédienne Éléonore Auzou-Connes propose aux petits à partir de 7 ans et aux grands, de la suivre pendant une heure pour observer animaux et végétaux sur les sentiers. Avec émerveillement nous avons donc appris ce qu’est le pistage ou « l’art de lire les traces laissées par les animaux dans le paysage. »

Morizot.
Mise en scène et adaptation : Pauline Ringeade
Compagnie l’IMaGiNaRiuM
La comédienne utilise un dispositif scénique très inventif pour nous embarquer avec elle dans cette aventure où l’on devine les animaux car ils se cachent dans la nature mais laissent des traces. Et à partir de ces traces nous pouvons commencer à déchiffrer parfois leurs énigmes, comprendre comment ils se transmettent des messages et organisent leur vie. Pour rendre l’invisible, la comédienne utilise sa table de bruitage et avec des objets insolites fait naître des sons : ses mains doucement frottées de poudre nous font entendre les pas des loups dans la neige, les ondulations qu’elle impose à une plaque en plexiglas émettent un chant sous-marin.
Enfants et parents vont découvrir que la réalité, les paysages qui nous entourent fourmillent d’êtres vivants tous aussi fabuleux que ceux inventés dans les contes et que leurs mystères n’en sont pas moins grands. Dans le Sud de la France se promènent des loups, dans nos jardins des abeilles, des araignées et même des renards. Si l’on apprend à traduire les signes qu’ils envoient, on se rend plus sensible à leur présence, on apprend à vivre avec eux sans détruire leur monde. C’est l’apprentissage d’une cohabitation dans le respect, d’une nécessaire curiosité envers ceux qui nous entourent discrètement.
La metteure en scène, Pauline Ringeade, travaille sur la philosophie du vivant et c’est une conférence jeune public prononcée par Baptiste Morizot au
Nouveau Théâtre de Montreuil en 2018, qui lui a donné l’envie de s’adresser aux enfants. Elle a choisi de transmettre aux petits l’importance du vivant par le théâtre qui permet la poésie et une approche ludique. Elle a adapté ce texte à priori pédagogique grâce à une écriture de plateau remarquable en collaboration avec la créatrice sonore Géraldine Foucault et la comédienne Éléonore Auzou-Connes.
Notre imaginaire se déploie au fur et à mesure du spectacle puisqu’il n’y a aucun support visuel. Éléonore à elle seule induit la présence des animaux par ses réactions aux sons, ses émotions à leur passage, et son enthousiasme contagieux pour cette science du pistage. Les enfants ont beaucoup ri à l’apparition du Nanoulak qui parle comme un adolescent caché sous la capuche de sa doudoune. « Les Nanoulaks sont les oursons nés (la plupart du temps) de femelles polaires et de mâles grizzlys, qui se rencontrent dans leurs migrations forcées par le réchauffement climatique ». Ces oursons métis vont sûrement avoir des choses à nous apprendre sur l’adaptation…

C’était une chance ce jour-là d’avoir eu, sur commande du TGP de Saint Denis, une traduction simultanée en langue des signes française par Fréderic Baron ce qui rajoutait en sensibilité et poésie.
Allez « pister les créatures fabuleuses » partout en France, le spectacle est en tournée. C’est une réussite et un enchantement. Preuve en est, le débat entre la comédienne et les enfants qui a suivi la représentation, a été d’un niveau de réflexion remarquable.
Une petite fille m’a confiée à l’issue de la représentation son envie de « faire des randonnées avec les copains pour trouver des empreintes et entendre ou observer des animaux » La metteuse réussit donc son pari en nous aidant à « Ré-enchanter notre relation au monde ». Je laisse les derniers mots à Baptiste Morizot dont les livres sont décidément à découvrir et à lire de toute urgence. Nous adultes, pourrions ainsi avec curiosité et bienveillance, observer cette biodiversité en danger et tenir la main des enfants pour leur faire parcourir les sentiers et nous émerveiller avec eux de ses vies essentielles à l’équilibre du vivant.
« Vous, les enfants, c’est peut-être la première fois que vous entendez ce mot : « philosophie ». Mais rassurez-vous, personne ne sait trop ce que c’est. Il n’est pas essentiel de l’expliquer ici. Je voudrais simplement rappeler que la philosophie comme manière de vivre, c’est avant tout une manière d’être attentif au monde ». Baptiste Morizot
Toutes les dates :
https://www.lapoulieproduction.com/limaginarium-pauline-ringeade
