
Quand Goldoni voit double !
Au théâtre de l’Hébertot, on revêt sa redingote et ses fanfreluches et on plonge dans l’Italie du 18e siècle pour rire aux dépens de la bourgeoisie italienne avec Les Jumeaux vénitiens. Avec dans le rôle-titre et (double), Maxime d’Aboville.
Deux jumeaux séparés pendant leur prime jeunesse. Le premier, Zanetto, est un crétin élevé dans la montagne qu’il n’a plus quittée. Le second, Tonino, malin et habile, ne connaît que la ville, Venise plus exactement. Vingt ans que ces jumeaux ne se sont plus vus, même s’ils connaissent l’existence l’un de l’autre. Vingt ans depuis le drame qui a coûté la vie à leur jeune sœur encore poupon (du moins, le croient-ils). Et les voici qui se retrouvent dans la même ville, Vérone, au même moment, mais en l’ignorant tous deux. Le parfait point de départ pour une farce signée Goldoni, le Molière italien.

Car on retrouve toutes les thématiques chères aux auteurs de comédie de cette génération aiguisée à croquer les grands sans qu’ils ne s’en aperçoivent forcément. Il y a les bourgeois qui rêvent pour leur progéniture de faire un mariage d’argent, la domesticité qui se rebelle, le faux dévot qui en veut autant aux jeunes filles qu’à leurs dots. Le tout, noyé dans des répliques qui sonnent juste et modernes (le texte a un peu été revisité pour une traduction compréhensible par tous), des duels à l’épée qui prêtent au rire et des quiproquos dantesques.
Evidemment, pour que tout fonctionne, que tout s’imbrique parfaitement dans une énergie communicative, il faut, outre un décor impressionnant d’une ruelle de Vérone, des comédiens exceptionnels. Et ils le sont tous. En tête, évidemment, Maxime d’Aboville, nouvelle star des planches qui réussit une performance étonnante (et sûrement éreintante) en incarnant les deux frères, changeant d’accent, de démarche, de tenue de corps en une fraction de seconde. Face à lui, Olivier Sitruck est parfait en dévot manipulateur prêt à tout pour parvenir à ses fins, quitte à tuer.

Car derrière le rire et la farce, affleure le drame. Celui d’une jeune fille élevée par un père adoptif qui ne songe qu’à la marier pour de l’argent, d’une domesticité réduite à portion congrue et dont on se fiche des sentiments, de la bienséance qui gouverne corps et cœurs et d’une condition féminine qui tente de s’émanciper, mais qui demeure sous le joug des hommes, d’un père, d’un frère, d’un amant, rêvant d’un mariage d’amour et devant céder à la raison.
Les Jumeaux vénitiens est un concentré d’énergie et de rires qu’il ne faudrait pas surtout pas rater en ce début de nouvelle saison théâtrale. Alors, qu’attendez-vous pour embarquer pour Vérone ?
Du mardi au samedi à 21h, le samedi également à 16h30 et le dimanche à 16h.
Tarifs : de 12 à 60 euros.
Théâtre Hébertot, 78 bis boulevard des Batignolles, 75017 Paris
Réservations au 01 43 87 23 23