
Frère de sang
Plus que deux semaines pour aller applaudir Criminel à la Manufacture des Abbesses. Un véritable thriller psychologique aussi émouvant qu’intense, avec une distribution au diapason. A ne pas manquer.
Boris a tout pour lui. Un travail prenant, une sœur aimante, une compagne et un ami fidèle. Mais il a aussi un père violent qui l’a détruit autant psychologiquement que physiquement. Il finit par le tuer. Sans doute trop tard. Mais cela résonne en lui comme une délivrance. Un geste que tout le monde comprend, mais que personne ne pardonne. Pire, on le condamne plus lourdement que prévu. Ses amis, ses amours d’antan se sont fait témoins à charge, ont sciemment menti à la barre pour que sa peine dure le plus longtemps possible. Une peine autant physique que morale. 15 ans après, voici la rédemption. Il sort de prison. Et n’est pas au bout de ses surprises…

Ecrit et mis en scène par Yann Reuzeau, Criminel est un drame psychologique et familial qui prend aux tripes. On est tout d’abord désarçonné par l’absence de décor, le plateau presque nu et ce carrousel en bois qui change les temporalités. On passe du présent au passé avec une aisance insoupçonnée et les comédiens parviennent à changer d’état d’âme comme de costumes, en une fraction de seconde. On rit parfois de leurs tirades glaçantes et grinçantes. Mais on est surtout suspendus à leurs lèvres. Qui est le plus criminel d’entre eux ? Boris pour avoir assassiné son père, mais sans se souvenir de son geste, pour sauver une ultime fois sa sœur ? Camille, cette dernière, pour avoir accepté de renier ce frère, de l’oublier et d’avoir refusé de couper les ponts avec son géniteur tant qu’il en était encore temps ? Xavier, l’ami, pour avoir tourné le dos sans hésitation ? Ou Manon, la petite amie qui exècre le couple et qui préférait savoir l’être aimé en prison à cause de son faux témoignage ?

Quand a-t-on expié de son crime ? Pendant sa peine de prison ? En en sortant, avec pour seule alliée, une solitude abrasive ? En ayant tout perdu ? En tentant de se reconstruire malgré tout ? On suit le destin de Boris, bourreau devenu victime, mais victime avant d’être bourreau, avec une attention toute particulière. Sa fragilité émeut, sa tendresse pour ceux qui l’ont condamné aussi. Il accepte son destin tout en remettant les pendules à l’heure. Son interprète, Morgan Perez, est d’une justesse folle. Econome de ses mots et de ses gestes, il joue comme il respire. Une délicatesse dans son interprétation qui rejaillit sur celle de ses acolytes, tous précis, naturels, voire naturalistes. Une cohésion de jeu rarement atteinte, pour un texte exigeant. Il serait… criminel de passer à côté de ce petit bijou.
Criminel, jusqu’au 30 décembre, le dimanche à 20h et du lundi au mercredi à 21h. Puis chaque dimanche de janvier à 20h.
Manufacture des Abbesses
7 rue Véron
75018 Paris