Opéraporno ? L’oxymore a du génie. Immédiatement, le titre vous enfièvre ou vous fera fuir, ce qui paraît être la sève même du théâtre et dès lors, un premier bon point, non ?
Mais qui sont les énergumènes qui ont pu permettre cette chimère théâtrale? Les malfaiteurs Pierre Guillois pour le texte et la mise en scène et Nicolas Ducloux à l’origine de ce curieux concept et de la partie lyrique, se sont identifiés, ont reconnu leur crime.
Amputations, sodomies, incestes, scatologie et autres perversions délicieusement abjectes s’intensifient à un rythme effréné, jusqu’au final foutralement jouissif ! Bien évidemment, il faut un talent très certain pour marcher sur ce fil suspendu sans jamais tomber dans le premier degré, dans un réalisme obscène mal contrôlé. Le pari est totalement réussi pour Opéraporno. Car, c’est la comédie qui emporte tout.
Le Rire de résistance que prône Jean-Michel Ribes, le directeur du Théâtre du Rond-Point, est ici la nef qui retient l’insoutenable. En explorant les plus grands tabous sexuels sur des airs d’opérette libérateurs, Pierre Guillois cherche la source d’un humour particulièrement féroce. Sa haute maîtrise de l’absurde, sa mise en scène délirante, oignent l’intolérable d’un baume pacificateur et cicatrisant : le rire.
Les comédiens de cet Opera bouffe lubrique et désopilant assument tout et jouent, paraît-il, de leur plein gré cette farce délicieusement satanique : Jean-Paul Muel incarne à merveille une grand-mère pie-grièche qui retrouve par le truchement du salace et de l’amour incestueux, la joie de vivre, en toute simplicité… Lara Neumann émerveille avec sa voix à la technique lyrique sans défaut. Elle joue avec justesse une belle-mère inassouvissable, prêt à tout pour vamper le jeune fils de son nouveau mari, interprété par François-Michel Van Der Rest qui, aveuglé par la jalousie, fait subir à sa famille et à lui-même les pires profanations. Enfin, Flannan Obé, en fils troublé par le stupre régnant autour de lui, excelle et fait feu de tout bois pour survivre dans cette tempête théâtro-musicale scandaleuse.
Opéraporno vise la jouissance extrême de celui qui rit, est horrifié par son rire, et rit plus encore de son effroi, dixit Pierre Guillois !
Une belle réussite, courrez-y !
Texte et mis en scène : Pierre Guillois
Composition musicale : Nicolas Ducloux
Avec Jean-Paul Muel, Lara Neumann, François-Michel Van Der Rest, Flannan Obé.
violoncelle : Jérôme Huille, en alternance avec : Grégoire Korniluk
Jusqu’au 22 avril 2018