Slumdog millionnaire en plein Paris…
L’Hôtel de la Monnaie de Paris propose en ce moment une exposition étonnante et paradoxale : rutilante d’extérieure, mais faite de bric et de broc quand on s’y penche de plus près. C’est là tout l’art paradoxal du sculpteur indien Subodh Gupta avec Adda qui signifie Bienvenue. Bienvenue chez lui.
Dans l’une des cours intérieures de la Monnaie de Paris, un immense figuier qui semble fait de métal. Sur ses branches, des ustensiles de cuisine en inox : casseroles, fait-touts, passoires et autres spatules, en guise de feuillages. L’utilitaire au quotidien qui se mélange à l’intemporalité d’un arbre figé à jamais. Telle est la première pièce monumentale de l’artiste indien touche à tout Subodh Gupta qui a supervisé personnellement toute l’exposition, sa première monographie en France, dans un lieu emblématique de surcroît. Le reste des oeuvres présentées est à l’avenant : en trompe-l’oeil permanent, en réinventant les objets que nous utilisons, pour de nouvelles fonctions, artistiques et interpellantes.
C’est le cas de la première salle, avec une table présentant une boule de pain saupoudrée de farine. On passe de l’infiniment grand au plus petit, au plus délicat. Mais là encore, tout n’est qu’art : car cette innocente boule de pain rappelant le plat que l’on consomme à travers le monde entier, unissant les hommes universellement, c’est du bronze. De même que ces mangues ou ce tableau entièrement blanc. Ainsi qu’une vidéo représentant le trajet en train, quotidien, que prenait l’artiste pendant une dizaine d’années pour se rendre chez lui. Partir de soi, de ce que l’on connaît, pour en faire autre chose, dans l’impermanence.
Dans la salle suivante, on retrouve une pièce monumentale, si ce n’est celle pour laquelle on vient initialement, par curiosité ou réel intérêt, voir cette exposition : Le Dieu insatiable ou la représentation du mercantilisme poussé à l’extrême. Un crâne géant entièrement composé d’ustensiles de cuisine en inox, comme le figuier. Une oeuvre à la fois singulière, fascinante et troublante sur notre société de consommation qui engendre la mort, fatalement.
Dans les autres salles, le détournement des objets dont on se sert tous les jours se poursuit. Ici, une mégalopole sur tapis roulant composée de boîtes à repas en fer (très répandues en Inde), là des miroirs qui se déforment jusqu’à nous rendre invisibles à force de vibration, là encore une machine pour projeter les films et sa copie version clinquante ou encore un amoncellement de jarres sur une barque pour signifier un exil immobile. Plus étonnante, une performance de l’artiste, entièrement nu et recouvert de bouses de vache, témoignant que ce qui peut choquer, voire dégoûter dans nos contrées, est en Inde, gage de richesse et de fierté. Une exposition qui ne laissera personne indifférent et donnera à voir ses propres objets du quotidien sous un tout nouveau prisme…
Subodh Gupta, Hôtel de la Monnaie de Paris, 11 quai de Conti 75006 Paris
Jusqu’au 26 août, du mardi au dimanche de 11h à 19h. Jusqu’à 21h le mercredi.
Tarifs : Entre 9 et 14 euros.