Journal d’un vieux confiné…Jour 15

En cette période de confinement, mon ami Rodolphe Trouilleux, qui vient de rejoindre le blog vous fait part d’un journal imaginaire : « Journal d’un vieux confiné  »  Historien, auteur de nouvelles, conférencier, rédacteur au Journal Le Chat Noir, on me présente souvent comme le spécialiste de Paris secret et insolite, rappelant en cela mon livre éponyme. C’est un peu vrai mais Paris dans son ensemble me passionne depuis toujours. La ville d’hier et d’aujourd’hui, ses multiples histoires et faits divers occupent mon quotidien. Incorrigible piéton, je parcours les rues parisiennes en tous sens, et mes découvertes sont nombreuses. Qu’elles soient théâtrales, littéraires, gastronomiques, etc, les surprises sont souvent au rendez-vous et c’est un plaisir de les partager.

 

Quinzième jour de confinerie

C’est pas drôle une femme sans dent. Non-seulement maman elle peut plus sourire – c’est la face de lune garantie ! – mais, en plus elle veut plus causer et encore moins se montrer à la porte. C’est simple, c’est plus une femme que j’ai, c’est un fantôme.

Heureusement, y’a le Kiki qu’à des relations dans le monde des dents et ça devrait s’arranger. Y’a un de ses potes qui fabrique des dentiers et qu’est venu chercher les morceaux. Ça sera pas du sur mesures mais tant pis, faut pas être difficile, c’est la guerre.Ouais, d’ailleurs, c’est vraiment la guerre ici. Depuis l’affaire de l’infirmière y a des gens qui se sont mis à penser comme moi, et qu’on été à la porte de la Calamité Jeanne pour lui faire sa fête. Y’en a même qu’étaient prêts à lui faire bouffer son chat, en commençant par la queue. Le cocu du bout de la rue, qui ferait mieux de la fermer celui-là, il a voulu foutre le feu à la baraque, même qu’il avait un bidon et des allumettes. Un cinglé oui ! La vieille elle a beau être du genre pas terminée, faut pas pousser quand même.

Du coup les gens l’ont engueulé et le boucher du 12, un sacré costaud, il lui a collé une paire de marrons qu’à l’heure qu’il est, le cocu, il doit avoir une belle paire de lunettes sans monture.

C’est bien triste tout ça, et ça arrange pas les affaires de la confinerie. Le virus de la Corona il commence à mettre un sacré bordel dans la rue. J’ai réfléchi hier soir dans mon lit – pas trop mais un peu ! – et je me suis dit que la vieille elle a beau pas être du genre commode, faut peut- être pas tirer des occlusions de tout ça. J’en ai causé à Maman, mais à part son histoire de dentier y a plus rien qui l’intéresse.

Ce matin elle s’est mise à pleurer en regardant un bocal de cornichons, un truc dans le genre qu’elle pourrait plus jamais en manger…

L’Asticote elle file doux, c’est pas croyable. Tous les matins elle vient me chercher, la laisse dans le bec, pour faire la promenade-caca-pipi dans le jardin. Elle se tient à carreau.

Tiens, on a reçu un coup de fil de la cousine de province de Maman, la Micheline, celle qui travaille dans le gaz d’échappement. Ah, c’est sûr, elle a pas inventé le fil à couper le beurre tiède, mais elle est gentille. La pauvre môme, elle a chopé le virus de la Corona dans son usine à la noix où qu’il y a plein de courants d’air. A visser ses trucs toute la journée à côté de ses collègues, sans masque et sans gants, ça l’a pas loupé. Heureusement il paraît que c’est une version rétrécie, elle a pas de fièvre et juste un peu mal à la tête.

Du coup ça a pas remonté le moral de la divine. J’ai crû même que, dans le désoeuvrement, elle irait chercher la boîte blanche ousqu’elle l’a mise, mais non, elle a rien fait de tout ça.Le Lucien, à force de vivre à oualpé chez lui, il a attrapé un rhume carabiné, bien fait pour lui, c’est pas une solution de se balader comme ça.

Ah elle est belle la ménagerie de ma rue ! Entre le cocu, la Calamité Jeanne, le Lucien des Tout nus et le ras du plancher qui se balade toute la journée en robe à pois, ça fait un drôle de machin dans le paysage. Mais bon, on va tenir la confinerie tout de même, ça nous empêchera pas de rigoler.

Pour la suite des évènements, on verra demain.

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Historien, auteur de nouvelles, conférencier, rédacteur au Journal Le Chat Noir, on me présente souvent comme le spécialiste de Paris secret et insolite, rappelant en cela mon livre éponyme. C’est un peu vrai mais Paris dans son ensemble me passionne depuis toujours. La ville d’hier et d’aujourd’hui, ses multiples histoires et faits divers occupent mon quotidien. Incorrigible piéton, je parcours les rues parisiennes en tous sens, et mes découvertes sont nombreuses. Qu’elles soient théâtrales, littéraires, gastronomiques, les surprises sont souvent au rendez-vous, et c’est un plaisir de les partager.

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