Journal d’un vieux confiné…Jour 20

En cette période de confinement, mon ami Rodolphe Trouilleux, qui vient de rejoindre le blog vous fait part d’un journal imaginaire : « Journal d’un vieux confiné  »  Historien, auteur de nouvelles, conférencier, rédacteur au Journal Le Chat Noir, on me présente souvent comme le spécialiste de Paris secret et insolite, rappelant en cela mon livre éponyme. C’est un peu vrai mais Paris dans son ensemble me passionne depuis toujours. La ville d’hier et d’aujourd’hui, ses multiples histoires et faits divers occupent mon quotidien. Incorrigible piéton, je parcours les rues parisiennes en tous sens, et mes découvertes sont nombreuses. Qu’elles soient théâtrales, littéraires, gastronomiques, etc, les surprises sont souvent au rendez-vous et c’est un plaisir de les partager.

 

Vingtième jour de confinerie


Ce matin, dans la rue, tout le monde a crû que les cloches de Pâques avaient passé avant l’heure. Devant chaque maison, y avait un sac, et dans chaque sac, deux boîtes, une de masques et une de gants. Et devant la porte de la petite infirmière y avait un gros carton rempli pareil mais avec plusieurs boîtes.

Y avait tellement de gens qui comprenaient rien à ce truc qu’on a appelé la mairie avec Maman. Mais c’est pas l’autre ahuri de maire et sa bande qui sont responsables du truc. M’étonne pas, trop nuls pour faire ça!Du coup on s’est dit que c’était quelqu’un dans la rue qu’avait fait ça et qu’on aimerait bien le remercier, mais y avait pas de nom sur les sac, c’était un cadeau anonyme. Je me suis habillé – je suis presque plus rouge maintenant – j’ai pris mon ozvess et j’ai été au Céprix pour acheter des liquides et des machins qui fallait. J’avais la liste.

C’est triste mais y avait pas de farine ni de pécu. Mais qu’est-ce qu’il font les gens avec tout ce papier à fesses, ils se le mettent dans les trous de nez ou quoi ? J’ai fait vite les commissions, j’avais pas envie de traîner. J’ai vu le cocu du bout de la rue qui m’évitait comme la peste, c’est de saison vous me direz.

Dans la rue j’ai vu aussi le Marcel qui m’a fait un grand coucou et qui m’a dit que depuis mon coup de gueule il manquait de rien et juste à côté y avait son pote le Franck Estein avec ses grands bras et son air vague. C’est un grand machin avec des bras immense et qui fait la manche à côté de la gare. Comme il a le cerveau dans le désordre y sait pas causer et y regarde fixement les gens pour leur demander de quoi fumer. Il est comme qui dirait confiné de l’intérieur de sa tête mais il est pas méchant. Le plus triste c’est que le gens, avec les nouvelles habitudes, ils veulent plus être approchés par des type comme lui.

Le Marcel, son pote, y lui a fait un beau panneau pour tenir devant lui, mais y sait pas trop écrire comme y faut alors il a marqué : « MEUSSIEURS DAMES POUR FEUMER LA CLOP ZUN NEURO SIVOUPLEU » . Tu parles d’un truc !

Ce soir, c’est l’apéro des grillages alors j’ai installé le barbecul devant la maison. Et j’ai fait fort dans les bouteilles avec des grands trucs genre Ambassadeurs, Ricard, et pis le machin à la crème pour les gonzesses, le bêlait que ça s’appelle. Et à quatre heures, on n’y croyait pas, y a un camion de livraison de chez Gradoud qui nous a livré les saucisses. Le type il était habillé comme un cosmonaute, fallait voir ! Il n’empêche qu’on est contents, ce soir on va parader comme des riches avec nos saucisses, le roi sera pas notre cousin ! On sera détendus, genre vacances à la plage, alors j’ai sorti le parasol, les chaises longues, les lunettes noires et les chapeaux à soleil. La Divine elle est toute excitée.

Faut en profiter parce que bientôt faudra porter des masques dehors et partout comme ils l’on dit dans la radio de la télé du Luxembourg. Alors les saucisses en plein air on devra oublier avant longtemps pour en manger comme ça. C’est bête quand même, mais Maman elle me disait qu’elle comprenait pas pourquoi les huiles et les toubibs y disaient avant que les masques y servaient à rien et que maintenant y servent à quelque chose. Moi j’ai pas beaucoup d’instruction alors je comprends pas. Le virus de la Corona, il a changé de forme ou quoi ? C’est bizarre ?

Maman elle a trouvé un tuteur sur le ternet qui explique comment faire des masques avec des vieux slips et des soutifs. C’est pas pratique parce que Maman elle a pas de soutif vu qu’elle a toujours eu deux lentilles sur une plaque de tôle et que moi que j’ai que trois slips et que j’y tiens. Moi je suis pas un tout nu, je me promène pas sans slip dans la rue alors va falloir faire autrement. Bon, en attendant, ce soir, c’est l’apéro des grillages.

Pour le reste on verra demain.

Copyright R.Trouilleux

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Historien, auteur de nouvelles, conférencier, rédacteur au Journal Le Chat Noir, on me présente souvent comme le spécialiste de Paris secret et insolite, rappelant en cela mon livre éponyme. C’est un peu vrai mais Paris dans son ensemble me passionne depuis toujours. La ville d’hier et d’aujourd’hui, ses multiples histoires et faits divers occupent mon quotidien. Incorrigible piéton, je parcours les rues parisiennes en tous sens, et mes découvertes sont nombreuses. Qu’elles soient théâtrales, littéraires, gastronomiques, les surprises sont souvent au rendez-vous, et c’est un plaisir de les partager.

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