Journal d’un vieux confiné… Jour 31

En cette période de confinement, mon ami Rodolphe Trouilleux, qui vient de rejoindre le blog vous fait part d’un journal imaginaire : « Journal d’un vieux confiné  »  Historien, auteur de nouvelles, conférencier, rédacteur au Journal Le Chat Noir, on me présente souvent comme le spécialiste de Paris secret et insolite, rappelant en cela mon livre éponyme. C’est un peu vrai mais Paris dans son ensemble me passionne depuis toujours. La ville d’hier et d’aujourd’hui, ses multiples histoires et faits divers occupent mon quotidien. Incorrigible piéton, je parcours les rues parisiennes en tous sens, et mes découvertes sont nombreuses. Qu’elles soient théâtrales, littéraires, gastronomiques, etc, les surprises sont souvent au rendez-vous et c’est un plaisir de les partager.

 

Trente et unième jour de confinerie.

Maman elle a voulu que je soye beau pour monter voir la vioque, à commencer par la coiffure. Faut dire que ça fait bien deux mois que je suis pas allé voir le merlan et avec les pauvres cheveux qui me restent j’ai l’air d’un vrai ahuri. Alors elle a ressorti le machin qu’elle m’avait offert pour mon anniversaire, le Couptif ça s’appelle, un truc à piles fabriqué en Chine. Y’a une belle documentation qu’a été livrée avec, en couleurs, avec des têtes de vieux et de jeunes du genre « avant après ». C’est simple, on a même l’impression qu’en coupant les cheveux, le bidule donne l’air intelligent. Mais ce genre de chose ça fait partie des cadeaux empoisonnés qu’on regarde une fois et qu’on oublie au fond d’un placard. Mais Maman elle oublie rien, même les trucs stupides dans ce genre-là. C’était gentil de me l’offrir mais ça aurait été vraiment charmant de l’égarer pour de bon.

On s’est installés dans le salon, moi dans un fauteuil et elle avec le truc en main pendant que je lisais le mode d’emploi : ça paraissait facile, fallait appuyer sur le bouton et pis faire une glissade de l’appareil d’avant en arrière. Sur la photo il était beau le monsieur chinois après le passage du machin, et il souriait en plus, ça inspirait confiance.On allait commencer quand on a sonné à la porte : c’était un livreur de produits charcutiers, un fabricant qu’on a retrouvé pour remplacer Gradoub.

Bref, Maman elle m’a passé le bidule pour aller ouvrir, et comme ça s’éternisait je m’en suis servi tout seul, comme ils disaient dans la brochure. Je l’ai passé sur toute ma tête et j’ai attendu. Quand Maman elle est revenue elle s’est mise à rigoler comme une tordue : ça m’avait coupé les cheveux tout en désordre et pis ça avait aussi tournicoté les mèches. Je me suis regardé dans la glace, et c’était pas beau à voir, une vraie tête de balai à chiottes !

Je me suis un peu récupéré le truc avec un peigne, mais c’est vraiment pas terrible. On a jeté le Couptif, encore une escroquerie ! En attendant j’ai vraiment l’air d’un con.Pour m’arranger, j’ai mis ma chemise bleu ciel des beaux jours, le pantalon en velours à côtes et j’ai enfilé par-dessus un pull de ma jeunesse en laine mélangée Tergal. Bien sûr je faisais bien propre comme ça mais avec ma tête d’abruti, c’était un peu limite quand même.

Et j’ai mis aussi mes charentaises du dimanche en ficelle de queue de cheval. J’était beau des pieds, c’était déjà ça.

Alors on est montés pour embrasser la belledoche, comme elle m’a jamais beaucoup aimé, j’étais un peu craintif, tout de même.Elle était encore couchée, alors je me suis approché avec un air aimable comme je sais faire. Le problème c’est qu’elle entend plus et qu’elle voit presque que dalle. J’y ai dit « bonjour belle maman » et là c’est reparti comme en quatorze :

– Ah… monsieur Chirac c’est gentil d’être venu ! Fallait pas, l’Elysée c’est bien loin tout de même et vous savez, faut pas sortir… !

Et là, Maman elle a bien essayé de la détromper, en lui disant que j’étais son gendre, que Chirac il viendrait un autre jour, et ceci, et cela.

Mais elle a rien voulu savoir, elle s’est agrippé à ma main et elle m’a demandé des nouvelles de toute la famille de Chirac, à commencer par la Bernadette. J’ai dû tout inventer, raconter n’importe quoi, au bout d’une demie heure j’en avais marre.

Alors elle s’est endormie tout d’un coup et s’est mise à ronfler…

Je suis reparti de la chambre la queue basse. M’étais avis que je venais d’en prendre pour perpète et que j’allais faire le Chirac pendant une paye…

Mais bon, pour la suite on verra demain…

Copyright R.Trouilleux

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Historien, auteur de nouvelles, conférencier, rédacteur au Journal Le Chat Noir, on me présente souvent comme le spécialiste de Paris secret et insolite, rappelant en cela mon livre éponyme. C’est un peu vrai mais Paris dans son ensemble me passionne depuis toujours. La ville d’hier et d’aujourd’hui, ses multiples histoires et faits divers occupent mon quotidien. Incorrigible piéton, je parcours les rues parisiennes en tous sens, et mes découvertes sont nombreuses. Qu’elles soient théâtrales, littéraires, gastronomiques, les surprises sont souvent au rendez-vous, et c’est un plaisir de les partager.

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