Journal d’un vieux confiné…Jour 39

En cette période de confinement, mon ami Rodolphe Trouilleux, qui vient de rejoindre le blog vous fait part d’un journal imaginaire : « Journal d’un vieux confiné  »  Historien, auteur de nouvelles, conférencier, rédacteur au Journal Le Chat Noir, on me présente souvent comme le spécialiste de Paris secret et insolite, rappelant en cela mon livre éponyme. C’est un peu vrai mais Paris dans son ensemble me passionne depuis toujours. La ville d’hier et d’aujourd’hui, ses multiples histoires et faits divers occupent mon quotidien. Incorrigible piéton, je parcours les rues parisiennes en tous sens, et mes découvertes sont nombreuses. Qu’elles soient théâtrales, littéraires, gastronomiques, etc, les surprises sont souvent au rendez-vous et c’est un plaisir de les partager.

 

Trente neuvième jour de confinerie

Pendant que Tatiana s’occupait de la belledoche ce matin et vu qu’on étaient déprimés moi et Maman à cause de l’accident de l’abeille d’à côté, j’ai sorti les albumes de photos des vacances et c’était bien parce que ça nous a rappelé de beaux souvenirs. 

Depuis qu’on a été mariés on a été tous les étés en vacances au même endroit, le camp du bel amour à Saint-Martin-des pêcheurs, un chouette château du vieux temps qu’appartenait à l’ancien patron de Dubois-Glandier, et qu’il avait acheté quand il avait fait fortune dans les gloutes. Quand il a cassé sa pipe, la boîte a transformé la baraque pour le personnel, avec tout le confort, des cabinets pour deux chambres, des cuisines pour quatre et des douches pour douze. 

On y a été avec la Divine pour notre voyage de noce. On avait eu la plus belle chambre face à la mare aux cochons, ça puait un peu mais on avait une belle vue. Et là on a retrouvé tous nos potes de la gloute, le vieux Marcel qu’avait plus qu’une jambe à cause d’une gloute qui lui était tombée dessus, la Marianne sa femme, bien gentille mais sourde comme un pot et complètement chauve à cause des radiations de l’usine dans le local de souderie. On les avait mis là comme gardiens pour les remercier de leurs bons services. Des malins qui faisaient un élevage de cochons dans les annexes du château et qui revendaient de la charcuterie en douce aux personnels qui venaient en vacances. 

Là, le soir, pour voir le coucher de soleil en mangeant des saucisses du barbecue et en buvant du mousseux des beaux jours, on étaient heureux comme des papes. Faut dire que Maman elle était chouette à cette époque et que moi je me défendais aussi. Quand on se voit sur les photos on se trouve beaux avec nos cheveux et nos dents en plus. On demandait rien à personne, on bossait dans la gloute, on étaient bien, c’était tout.

Dans la journée y avait des touristes qui venaient visiter le château dans des coins gardés par les monuments des hystériques et même que y avait un guide qui faisait voir les trucs. Faut dire que c’était beau même si c’était pas à notre goût à nous. Déjà que les sols étaient en bois de chaine et que les murs ils étaient peints avec des figures du vieux temps, et des gens bizarres. Y parait qu’à l’époque y se mettaient des fraises autour du cou et qu’ils portaient des perruques parce que les cheveux ça existait pas à ce moment là. Mais ils avaient des dents quand même parce que sinon ils auraient pas pu manger. Ces gens-là ils avaient des bardées de mômes très laids avec des têtes de petits cochons comme on les voit sur les vieux tableaux. On a jamais compris pour quoi il y avait pas de meubles à cet endroit là, faut croire qu’ils  vivaient sans meubles. On a vu quand même un lit dans la chambre avec des colonnes et des machins au-dessus de la tête. Un drôle de truc pour faire des machins bizarres qu’il vaut mieux pas savoir d’ailleurs. 

Enfin nous on s’en foutait vu qu’on était dans la partie rénovée avec le chauffage et l’eau courante. Tous les jours on avait gymnastique des doigts avec un moniteur et cours de cuisine avec un chef qui connaissait tous les trucs pour faire cuire une escalope comme il faut. Un ancien de chez Roger la frite, alors forcément un grand professionnel.

Le seul problème là c’est que de l’autre côté, derrière la grille du parc y avait l’usine d’incinération, alors y avait des jours où ça sentait pas mal, comme une odeur de pieds. Mais c’était bien tout de même parce qu’on était entre nous avec les potes de l’usine et qu’on faisait pas de manières. Bon y avait aussi les soirées à thème : les pyjamas c’était bien, les déguisements c’était pas mal aussi, comme la soirée basse-cour. Moi je m’étais déguisé en gros poussin jaune et Maman en grosse vache. On sait pas si on aura des vacances cette années mais on en aura bien profité pendant toutes ces années là. On parlait pas de confinerie à cette époque.

C’est bien triste de voir ce qu’on est devenus maintenant, mais…

Pour le reste on verra demain. 

Copyright R.Trouilleux

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Historien, auteur de nouvelles, conférencier, rédacteur au Journal Le Chat Noir, on me présente souvent comme le spécialiste de Paris secret et insolite, rappelant en cela mon livre éponyme. C’est un peu vrai mais Paris dans son ensemble me passionne depuis toujours. La ville d’hier et d’aujourd’hui, ses multiples histoires et faits divers occupent mon quotidien. Incorrigible piéton, je parcours les rues parisiennes en tous sens, et mes découvertes sont nombreuses. Qu’elles soient théâtrales, littéraires, gastronomiques, les surprises sont souvent au rendez-vous, et c’est un plaisir de les partager.

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