En cette période de confinement, mon ami Rodolphe Trouilleux, qui vient de rejoindre le blog vous fait part d’un journal imaginaire : « Journal d’un vieux confiné » Historien, auteur de nouvelles, conférencier, rédacteur au Journal Le Chat Noir, on me présente souvent comme le spécialiste de Paris secret et insolite, rappelant en cela mon livre éponyme. C’est un peu vrai mais Paris dans son ensemble me passionne depuis toujours. La ville d’hier et d’aujourd’hui, ses multiples histoires et faits divers occupent mon quotidien. Incorrigible piéton, je parcours les rues parisiennes en tous sens, et mes découvertes sont nombreuses. Qu’elles soient théâtrales, littéraires, gastronomiques, etc, les surprises sont souvent au rendez-vous et c’est un plaisir de les partager.
Cinquantième jour de confinerie
Ça sent la déconfinerie de partout. On a vu tout pleins de gens passer devant notre maison dans la rue et des tas de bagnoles aussi. Plus ça va plus on se dit avec Maman qui va falloir préparer le pliage da gaules pour la semaine prochaine. Tout le monde est énervé, les bestioles, Maman, et la belledoche qu’à recommencé à me courir sur le haricot. Vlà qu’elle veut pas partir, maintenant qu’elle a ses habitudes dans la baraque. Moi je dis pas mieux mais on a un problème avec la Tatiana qui veut pas rester là avec la vioque. Elle a goûté à son caractère et je crois qu’elle a compris que, rayon peau de vache, elle était du genre grand luxe avec les accessoires.
Moi j’en ai marre de ses histoires de Chirac à la mords moi le nœud. C’est vrai, c’est usant à la fin. De plus je ressemble autant au Jacquot qu’à un raton laveur, faut pas exagérer tout de même. Maman elle m’a dit de pas m’énerver mais c’est pas elle qui doit donner des nouvelles de la Bernadette. Qu’est-ce que j’en sais moi, de la première dame de France de dans le temps.
Heureusement que mes vieux potes de Bois joli y sont venus pour la bière dans le jardin, ça m’a un peu détendu quand même.
Michel y rigole pas vu que les têtes à clous pour les pianos à queue ça se vend pas des masses en ce moment. La Culutre c’est important mais c’est un peu malade à cause du virus. Avec toutes ces salles de théâtres fermées c’est pas facile. En plus il est intermittent du travail et il est pas sûr de toucher sa pension vu que les dirigeants de là haut y savent pas ce que c’est que la culutre. Cricri lui, y pense qu’ils s’en foutent complètement et que pour eux c’est les bagnoles qu’ils veulent vendre et que les places de cinéma et les singeries des artistes c’est peau de balle et balai de crin. C’est vrai que lui il a de l’instruction et qui peut en causer puisqu’il travaille dans le cinéma des célébrités. C’est un peu un monde de claqueurs de becs mais il en faut pour tout le monde. Dans le marché du porno et des câlineries filmées c’est la débandade qu’il a dit le Cri cri, et que si ça continuait comme ça les gens du spectacles y z’en seraient réduits aux extrémités. Vu que je sais pas de quels bouts y voulait parler j’ai pas tout compris.
Nous c’est vrai qu’avec Maman on les aime bien les intermittents du travail, même si y sont morts des fois, comme le Derrick. C’est quand un même un beau métier d’être payé pour jouer des sottises et que, même après qui sont morts, on les voit encore bouger dans la télé les acteurs.
Nous on connait un comédien du spectacle avec Maman. On le voit des fois dans des films à la con dans la télé des crevettes. Y fait des pub pour des marques de n’importe quoi. La dernière fois c’était pour des capotes anglaises. On le voyait avec une capote géante sur la tête et qui entrait dans un palais avec une porte en forme de foufoune. C’était un beau rôle mais il avait pas grand-chose à dire. C’est un peu malheureux de faire des machins pareils qui nous a dit mais faut bien bouffer. Il a pourtant fait ses études dans les boîtes de conserve où un truc dans le genre. Le conservateur que ça s’appelle. Moi je vois pas le rapport avec les films mais faut croire que pour bien jouer les âneries faut être comme qui dirait un bon cuisinier des boîtes. Sa gonzesse on la voit jamais mais comme elle a une belle voix elle fait des trucs pour les ascenseurs et les poêles à mazout qui causent. L’autre jour, au Céprix, on l’a reconnue qui causait dans la radio du magasin pour annoncer les pâtes en promo et les paquets de chaussettes soldés. On était fiers comme si on avait un bar tabac même qu’on a dit à la caissière qu’on connaissait la dame qui causait dans le poste. C’est des beaux métiers tout ça mais faut pas être fiers quand même, moi je sais pas si je voudrais qu’on me voye avec une capote sur la tête. Là y paraît qu’il est embauché pour faire une saucisse dans un hot-dog géant et que y a un type qui lui met de la moutarde sur la tête.
Nous on est moches et a on n’a pas de belle voix comme la copine, alors c’est cuit, on sera jamais des artisses. Et pis tant mieux parce que j’aimerais pas entendre Maman dans un ascenseur ou une cuisinière à gaz, ça me gênerait. Et pis les conserves, comme j’aime pas ça, en plus…
Alors pour le reste on verra demain.
