Comment traiter des abus sexuels dans l’Église avec finesse, délicatesse et humour ?
C’est le pari réussi de la pièce Le Complexe de Dieu, actuellement à l’affiche du Funambule Montmartre. Une histoire vraie bouleversante, campée par une distribution au diapason.
Matthias est un jeune comédien qui croque la vie à pleines dents. Homosexuel, il enchaîne les conquêtes et se donne corps et âme à ses personnages. Comme celui du rôle-titre de Tartuffe, ce faux dévot de Molière à l’influence néfaste. Mais pendant les répétitions, un mal-être l’étreint. Des pans enfouis de son enfance et de son adolescence ressurgissent et il va peu à peu se terrer et s’éloigner des autres. Matthias a lui aussi subi l’influence d’un Tartuffe pendant sa jeunesse, mais celle d’un vrai prêtre cette fois-ci, qui a abusé autant de son âme que de son corps. Comment se confronter désormais à ce passé qui ressurgit alors que sa propre mère continue de jouer aux sourdes et aux aveugles ? Et comment gérer l’indicible quand on découvre un autre secret de famille mêlant sexe et religion ?
Annoncé comme ceci, on peut craindre que Le Complexe de Dieu, inspiré d’une histoire vraie, ne se vautre dans le glauque, le voyeurisme et le lacrymal. Il n’en sera jamais rien. Grâce à une mise en scène sobre et efficace flirtant entre trois époques (la nôtre, les années 1960 et les années 1980), on passe d’une scène à l’autre avec tout un tas de nouvelles informations à digérer, souvent servies avec humour ou second degré. Prêtre cynique, mère bigote dépassée par les événements, meilleure amie empathique et metteur en scène bienveillant s’alternent les uns les autres autour de Matthias et nous font vivre des émotions en montagnes russes.
Sans fustiger ni la foi, ni la religion, la pièce qui met en lumière l’actualité de l’Église empêtrée dans des affaires de ce type qui se multiplient et que l’on a pu découvrir dernièrement dans le film Grâce à Dieu de François Ozon. Une pièce aussi et surtout sur la résilience et la reconstruction, sur l’appropriation de son passé, la découverte de ses origines, la puissance de la parole délivrée et des amitiés indéfectibles. Les quatre comédiens sont aussi excellents que subtils et partagent avec nous un drame humain à la force universelle, mais également porteuse d’espoir. Béni soit le théâtre de nous faire vivre pareils moments !
Au Funambule Montmartre (53 rue des Saules 75018 Paris) jusqu’au 25 février, les jeudis et vendredis à 19h ou 21h (en alternance).
