Actuellement à l’affiche du sublime film Bruno Reidal, le jeune comédien Dimitri Doré a un avenir tout tracé dans le cinéma, alors qu’il illumine déjà les scènes de théâtre de sa présence depuis quelques années. Rencontre avec un acteur qui va beaucoup compter, autour des coups de coeur de sa vie.
Un album de musique ?
J’aime beaucoup l’univers de Tina Turner, l’électricité qu’elle y met, que ce soit dans ses concerts ou dans sa vie de femme, avec son ex-mari qui l’a maltraitée. Elle a dû vivre une renaissance à la fois en tant que femme et en tant qu’artiste, elle s’est battue contre les éléments… Ma chanson préférée d’elle, je crois que c’est Proud Mary, pour la chorégraphie qu’elle peut y mettre et son évolution par rapport à son style scénique. Comme David Bowie, elle a fait son examen de conscience et a toujours cherché à se renouveler et se mettre à jour par rapport à son époque. C’est ça qui me touche.
Une chanson ?
Tu sais, de Sheila, qui date de 1999. Elle m’a toujours guidé. Une chanson pop et funky, mais avec des paroles un peu tristes. Elle est simple, mais elle me parle beaucoup. C’est issu de son album Dense, qui est magnifique.
Un clip ?
J’aime bien Territory de The Blaze que je trouve très beau. Mais aussi The Greatest romance ever sold, de Prince. Le clip est très beau et la musique fort enivrante, avec une chaleur et une sensualité dans les harmonies de cette musique qui me plaisent énormément. Ca parle du métier de l’écrivain, de la page blanche, de la création, du partage aux autres…
Un film ?
J’ai découvert l’année dernière au festival de Cannes, le film Onoda, 10 000 nuits dans la jungle, d’Arthur Harari. La première claque que j’ai eu au cinéma. Il m’a ému aux larmes, m’a fait rire, déstabiliser. Ses thématiques m’emportent, me parlent, me touchent énormément, sur la transmission, l’éthique, la croyance, l’intimité des personnes, la guerre… Cela dure trois heures, mais on ne les voit pas passer. On sort de ce genre d’histoire totalement transformé par cette humanité, cette sincérité.
Une série ?
J’ai découvert pendant le premier confinement Six Feet Under. C’est la série qui parle le mieux de la mort tout en nous rendant vivants. On peut la résumer ainsi : « si vous aimez trop, vous vivrez jeune ». Il faut savoir se dire « je t’aime » de temps en temps, car personne ne vous le dira à votre place. Je trouve cette série parfaite dans le traitement de l’écriture, le jeu, les musiques… Elle est universelle et touchante. Il y a tout dans cette série !
Un documentaire ?
Il y a en a plusieurs, dont Amy, d’Asif Kapadia. On la voit si heureuse quand elle est seule dans un petit concert, grattant sa guitare, bien entourée, transcendant et transmettant ses émotions. Mais après, c’est la descente aux enfers.
Et il y a Bambi de Sébastien Lifshitz, l’histoire de cet homme devenu femme, la force qu’elle a eu pour travailler chez Madame Arthur, de retourner chez elle en Algérie, d’enseigner… Son témoignage est bouleversant et désarmant. Je l’ai un peu côtoyée il y a trois ans et c’est une grande dame et une belle artiste.
Un spectacle ?
Il y en a un que j’ai vu quatre ou cinq fois, c’est A-t-on toujours raison, Which witch are you ?, de Fred Blin, au Petit Saint-Martin. Il essaie de faire un numéro de clown qui ne fonctionne pas et c’est sublime. Il mélange le clown auguste et le clown blanc et il y a aussi quelque chose qui passe du côté de l’autisme. Il y a de la gêne, des couleurs, de la fulgurance, c’est fabuleux tellement il va loin.
Une exposition ?
Quand le film Bruno Reidal a été projeté à la Cinémathèque l’année dernière, j’avais eu l’occasion de visiter l’exposition consacrée à Louis de Funès. C’était très intéressant, mais ce qui m’a manqué, c’est de ne pas voir des rushes de ses grands films, des colères qu’il pouvait avoir, car ça s’était mal passé avec certains acteurs et réalisateurs et j’aimerais beaucoup voir son côté ambivalent. Il était très exigeant et a pu exercer son pouvoir de manière fracassante.
Un photographe ?
J’aime le travail de Pierre Le Gall qui habite à Saint-Jean-du-Doigt et qui propose des photos remplies d’humanité. Je le suis beaucoup, c’est sublime. Il y a certaines de ses photos qui me bouleversent, il porte un regard magnifique sur les gens.
Un livre ?
Il y a Le Fils de l’homme de Jean-Baptiste Del Amo, qui raconte l’histoire d’un père en burn out et dont le fils est pris de folie. Le style de l’écriture me touche beaucoup, c’est bourré d’humanité.
Et il y a aussi Némésis de Philip Roth. C’est magnifique. On se retrouve à Newark en 1944, pendant une épidémie de poliomylélite et un professeur de sport se demande s’il faut fermer le terrain de sport de l’école ou non. Cela parle de maladie, de valeurs qu’on peut avoir, de l’estime de soi, des décisions qu’on prend, de la culpabilité… Ça se lit très vite. On peut y voir un parallèle avec ce qu’on traverse avec le Covid.
Une bande dessinée ?
Vol 774 pour Sydney, de Hergé. Je trouve que c’est une aventure de Tintin un peu folle, on y parle de voyages, d’extraterrestres… C’est ma BD préférée de Tintin.
Un plat préféré ?
Je mange de tout ! Tout me plaît. Je suis un aventurier culinaire, un épicurien, je suis prêt à goûter à n’importe quoi !
Une activité physique ?
Je commence à reprendre le sport pour me dessiner un peu. Je fais de la natation et je marche beaucoup. Quand j’étais jeune, j’ai fait cinq années de trapèze volant.
Une maxime dans votre vie ?
« Ne laisse pas la peur devenir ta profession ». Ou dans le même genre « Avec la méfiance, on tue tout ce qui peut naître » de l’humoriste Zouk et qui me parle beaucoup en tant qu’artiste. Il faut être prudent, dans la vie ou dans ses choix, dans sa manière de communiquer, mais je pense qu’il ne faut pas être méfiant, être constamment en train d’interpréter les choses, ça empêche de vivre. Il faut lâcher quelque chose de soi, sinon, on ne peut plus respirer.
Votre actualité ?
Le film Bruno Reidal, de Vincent Le Port qui est toujours dans les salles. J’ai lu le scénario en un après-midi, il fallait absolument que je passe les auditions et j’ai eu la chance d’être pris. Je ne connaissais pas cette histoire, j’ignorais qu’elle était vraie. Mais c’était enrichissant de se raconter le passé de ce jeune homme en me servant de son dossier anthropologique. Une très belle aventure, très excitante et ce fut un bonheur de le faire avec cette équipe.
Je viens de jouer avec Michel Fau à l’opéra de Monte-Carlo, le spectacle Wozzeck. Une superbe équipe artistique et technique, remplie d’humanité. J’y ai rencontré des gens extraordinaires. C’était une reprise de cet opéra qu’on avait déjà joué à Toulouse. Michel Fau est de plus une très belle personne. Il m’a confié un cadeau en or avec ce rôle, j’ai pu découvrir son travail, son esthétique baroque. Et j’ai découvert le monde de l’opéra à travers ce projet.
Prochainement, je vais reprendre la pièce Rémi, tirée du livre Sans famille, de Hector Malot, avec Sophie Lenoir, Jonathan Drillet, Michèle Gurtner, Babakar M’Baye Fall… Je vais aussi mettre en scène des élèves sur un tour de chant basé sur l’oeuvre de Jacques Brel. Ce sera dans une esthétique un peu fellinienne, car au fur et à mesure, ils vont se transformer en vampires. On essaiera d’imaginer ce que serait devenu Jacques Brel s’il n’avait pas fait ses adieux en 1967, questionnant le fait, en tant qu’artiste, de se réinventer ou au contraire de rester sur ses acquis. Des questions fondamentales.
Merci Dimitri !

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