Tragédie musicale
Le Lido rouvre provisoirement et en beauté ses portes avant des travaux d’envergure en accueillant une nouvelle version de la comédie musicale culte Cabaret. Ou comment danser et chanter alors que le monde autour s’effondre. Une mise en abyme contemporaine qui n’a, hélas, pas pris une ride. Bienvenue !
Cabaret ne cesse de se réinventer. À l’origine, il s’agit d’une nouvelle, adaptée en pièce de théâtre et cette dernière est devenue comédie musicale sous la direction de Joe Masteroff, Fred Ebb et John Kander. Et cette dernière a quitté les salles de Broadway pour Hollywood en devenant un film culte de Bob Fosse, avec l’incandescente Lisa Minelli dans un de ses plus beaux rôles. Depuis, les Cabaret qui essaiment le monde reprennent soit la mise en scène initiale, soit celle de Bob Fosse, soit imposent la leur pour la remettre au goût du jour. Mais ce qui est certain, c’est que l’essence du spectacle demeure.
Et c’est tout naturellement qu’on le retrouve dans le temple du charme que fut le Lido, reconverti en salle de spectacles Lido 2 Paris, avant de futurs travaux de rénovation. Ce Cabaret mis en scène par Robert Carsen est à la fois une réinvention et un retour aux sources. Et le fait que le Lido soit comme un écrin (plafond assez bas et scène filament pas très large pour accueillir la vingtaine d’artistes, sans compter les musiciens), cela participe au côté intimiste revendiqué et qui écrase les personnages principaux. Car chacun va peu à peu perdre quelque chose, de cette innocence des débuts qui s’achève dans la tragédie.
Les deux histoires d’amour qui nous sont comptées (entre une logeuse et un bijoutier juif tous deux sexagénaires et entre une meneuse de revue star et un écrivain américain bisexuel en plein Berlin) vont être chacune sacrifiées sous l’autel de l’intolérance. Car pendant que les danseurs chantent et dansent en tenue légère, le nazisme fait son apparition et avec lui, les premières exactions. Les temps bénis de la liberté vont devoir être mis entre parenthèses et l’on ne peut que penser à notre époque actuelle dont Cabaret se fait justement l’écho (avec mélange des genres masculin/féminin, ode à la culture queer et critique virulente des extrémismes).

Le quatuor principal est bluffant, tant dans le jeu que dans le chant et parvient à faire oublier, le temps du spectacle, les numéros du film que l’on a toujours en tête. Cela faisait longtemps qu’on attendait le retour de Cabaret en version originale. Vous aussi vous en rêviez ? Le Lido l’a fait. Et bien fait.
Cabaret, au Lido 2 Paris, 116 bis avenue des Champs-Elysées 75008 Paris. Jusqu’au 3 février 2023, du mardi au samedi à 20h, le samedi également à 15h et à partir du 1er janvier, également le dimanche à 15h.
