
Le théâtre de l’Athénée présentait courant novembre une Carmen déjantée, véritable performance participative et pluridisciplinaire (musique, danse, vidéo…).
Notre Carmen est l’un de ces spectacles qui mérite que l’on prenne du temps. Du temps pour s’en remettre, du temps pour y songer et du temps pour en raconter au mieux les résonances.
Invité par le Théâtre le l’Athénée, le collectif berlinois de théâtre musical Hauen und Stechen (littéralement « cogner et brûler ») s’est emparé de l’opéra des opéras : la Carmen de Bizet. Et pourtant, comme on peut le lire d’emblée sur le programme de salle, « Rien de plus inconnu que ce qu’on croit connaître ».

Carmen, la gitane quasi-mythologique « que nul ne peut apprivoiser » nous la connaissons tous. Figure de féminité enchanteresse au destin tragique, avide de liberté sur fond de folklore espagnol et parée telle une danseuse de flamenco. Et bien tout ce que l’on croyait savoir, le collectif allemand l’a balayé. La partition de Bizet est bien là, nous pouvons entendre tous les tubes que l’on connaît par cœur, et pourtant c’est comme si les pages de musique avaient étaient sauvagement déchirées pour ensuite être grossièrement rafistolées dans un collage anarchique.
Sur la scène de ce cabaret dément, un campement, une sorte de squat. Dans un baraquement en bois une petite formation musicale haute en couleur. Des oreilles de lapin, des tutus, des bottes de paille humaines, des cigarettes… Beaucoup de cigarettes. Les langues s’entremêlent, allemand, français, anglais… Et les Carmen se suivent et ne se ressemblent pas. La vieille diseuse de bonne aventure, la jeune femme rude et sale, la diva fatale… Chacune des ces représentations s’exprimant avec le chant qui lui est propre, du lyrique au soupir vibrant, de la voix rocailleuse au cri déchirant. Et chacun de ces reflets de la bohémienne est animé d’une fièvre immense, d’une passion absolue et d’une énergie théâtrale débordante.
Notre Carmen c’est deux heures trente d’émotions pures et irrespectueuses ressenties comme une grande respiration. En démontant totalement la Carmen de Bizet, ses couleurs et ses sonorités, le collectif nous donne à voir et à entendre un ébouriffant tapage que chacun est libre d’interpréter à sa manière. Et c’est finalement cette liberté-ci qui représente peut-être au mieux la figure de Carmen !

livret Henri Meilhac et Ludovic Halévy
adaptation musicale Louis Bona,Roman Lemberg
mise en scène Franziska Kronfoth
Le Théâtre de l’Athénée partage son activité entre le théâtre et le théâtre musical et propose généralement des créations novatrices et audacieuses. Si l’opéra, l’opérette et la comédie musicale vous intéressent, foncez voir Moscou Paradis (Comédie musicale de Chostakovitch par la compagnie Opéra Louise, du 9 au 16 février), Trouble in Tahiti (Petit opéra de Bernstein, du 8 au 14 juin) ou encore Les p’tites michu (par la compagnie loufoque Les Brigands sur une musique d’André Messager, du 19 au 19 juin).
Athénée Théâtre Louis-Jouvet :