Liaison fatale
Un parfum de soufre s’échappe de la grande salle d’A la folie Théâtre, celui de la pièce Une femme extraordinaire d’Arthur Vernon, interdite aux moins de 18 ans, qui parle certes crument de sexe et de passion dévorante, mais surtout d’amour…
Lila et Renaud sont deux papillons virevoltants pris dans un filet, celui de la passion amoureuse, deux libertins revendiqués qui se retrouvent liés l’un à l’autre et qui envisagent même le mariage. Mais ce projet fou arrivera-t-il à concrétisation ? Car le comportement de Lila se fait de plus en plus étrange. Jeune, belle, intelligente, elle est de celles qui brillent en société où qu’elles aillent, qui font tourner toutes les têtes et même celles de personnalités reconnues dans le monde du cinéma : Fabrice Luchini, Christophe Honoré, qui n’en finissent plus de la harceler sur son téléphone ou les réseaux sociaux. Et en plus, elle chante divinement et prépare un album promis à un grand succès. Mais Lila est aussi mystérieuse, secrète, avec parfois un comportement étrange, passant du rire aux larmes, du bonheur à la dépression en un clin d’œil. Et Renaud, réalisateur aux pieds plus ancrés dans le sol, même si son esprit et son corps sont voués à Lila, va tenter de la sauver d’elle-même. A moins qu’elle ne soit pas celle qu’il a toujours crue…

Pièce en trois actes bien distincts, Une femme extraordinaire désarçonne. Elle étonne, énerve, fascine avec un aplomb rarement vu au théâtre. Des corps qui se dénudent et font semblant de faire l’amour, on a déjà vu. Des tirades langoureuses sur le sexe, également. Et des artifices comme le bondage (purement gratuits, si ce n’est pour symboliser physiquement le lien qui existe entre Lila et Renaud et que l’on entrevoyait déjà) font plus accessoires façon 50 nuances de Grey pour titiller le spectateur qu’autre chose. Le premier acte sonne parfois un peu faux, malgré toute la fougue des comédiens, Anna Stern et Daniel Hederich, qui ont laissé leur pudeur dans les coulisses et ne lésinent pas à rendre crédibles des personnages difficiles à se représenter autrement que sous le prisme de la fiction. Tant et si bien que l’on craint d’assister à une pièce basée sur un livre des éditions Harlequin…

Et soudain, tout bascule. La mise en scène de l’auteur, Arthur Vernon, prend corps réellement, à mesure que ceux de ses personnages se disloquent. Le second acte se mue en un thriller psychologique inattendu, en enquête autour du personnage de Lila. Est-elle une mythomane pathologique et patentée ? Est-elle une manipulatrice prête à tout pour de l’argent ? Est-elle sincèrement éprise malgré tout ? Au personnage de Renaud de démêler le vrai du faux de tout ce à quoi on a assisté précédemment. L’absurde se mêle au drame, le quatrième mur se disloque, ce qui nous agaçait devient explicité et on a l’impression d’assister au dénouement du film Usual Suspects. Quant au troisième acte, il prend également le spectateur par surprise et le laisse juge de ce que Lila représente pour lui : une chimère, un fantasme, une réalité ? Une victime d’elle-même ou un bourreau ?

Et c’est finalement un parfum de mystère, celui de Lila qui embaume la salle. Plus que celui du soufre. On craignait que ce dernier ne soit purement gratuit, pour attirer un chaland un peu voyeur, il est finalement payant. La passion n’en finit plus de se réinventer…
Une femme extraordinaire, du jeudi au samedi à 21h30 jusqu’au 27 janvier 2018.
Tarifs : à partir de 14 euros.
A la folie Théâtre
6 rue de la Folie Méricourt
75011 Paris