
Un seul en scène grinçant sur le burn-out en entreprise
Pari courageux pour le comédien et auteur Alexandre Oppecini que de livrer un spectacle consacré au burn-out où l’on rit autant que l’on est ému. T-Rex, un seul en scène où le célèbre dinosaure est ici remplacé par un banquier. Et cela fait bien plus peur que Jurassic Park…

Alexandre travaille dans une banque. Plus exactement, il est cadre dans les back offices d’une grande banque internationale, brassant des chiffres impressionnants pour un salaire presque de misère. Jusqu’au jour où une opportunité se présente à lui : son manager vient de se suicider. Et on lui offre la place officieusement. Cela ne sera rendu officiel que lorsqu’il aura mis en ligne un logiciel important, avec le concours de son équipe, dans moins d’un mois. Un mois où la pression va peu à peu le dévorer, jusqu’à prendre la forme d’un T-Rex, le dinosaure qui le faisait tant cauchemarder pendant son enfance et qui va ressurgir dans ses songes d’adulte…

Chronique d’un burn-out ordinaire. Tel pourrait être le résumé de cette pièce à un personnage mais que l’on croit multitude, tant Alexandre Oppecini n’a pas son pareil pour croquer la galerie de collègues qui l’entoure, des trois pré-retraitées syndiquées à la tyrannique directrice, en passant par la secrétaire beaucoup trop dévouée. Petit à petit, sans s’en rendre compte, son avatar (l’auteur et comédien a véritablement travaillé dans une banque fut un temps) et le spectateur, glissent de concert dans une dépression qui ne dit pas son nom et que l’on ne voit pas venir. Un bouton qui apparaît sur le visage ? Des cernes qui ne veulent plus s’effacer ? De l’eczéma qui se manifeste subitement ? Des insomnies peuplées de rêves monstrueux ? Des sautes d’humeur qui en viennent à gâcher votre histoire d’amour ? Et surtout, une servitude à toute épreuve à vos supérieurs hiérarchiques, week ends compris ? Pas de doute, le burn-out est à portée de main…

Avec beaucoup d’humour pour faire avaler une pilule qui ne passerait pas (on a tous vécu des situations oppressantes à son travail, de la photocopieuse en panne aux mails qui s’accumulent), Alexandre Oppecini livre une prestation époustouflante, magnifiée par une mise en scène efficace de Marie Guibourt, une habituée des seuls en scène et one man shows. Elle insuffle un rythme trépidant à cette histoire qui s’écoule de semaine en semaine, comme tous les cafés qu’ingurgite le personnage pour rester éveillé. Le travail sur le son (les cris tonitruants du T-Rex imaginaire), la musique et la lumière (verte, mais ici, non pour symboliser l’espoir, bien au contraire) magnifient un texte pertinent sur un sujet de société encore tabou.

Car avouer que son travail vous détruit plutôt qu’il ne vous épanouit est encore une vérité difficile à dire. Cela entraîne de petites déprimes, au mieux, de graves dépressions voire le suicide, au pire. De simples faits divers pour la plupart qui cachent un mal de plus en plus récurrent. En cela T-Rex devient un spectacle d’utilité publique, car il montre que même si l’on craque, même si l’on devient l’esclave d’un travail qui avant était vocation, on peut tout de même s’en sortir. Il suffit de convoquer le tyrannosaure qui sommeille en nous…
T-Rex, les dimanches à 18h30 et les lundis et mardis à 21h.
Théâtre de la Contrescarpe
5 rue Blainville
75005 Paris
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