
Le Cirque Alphonse, venu tout droit du Québec, vient de poser ses valises à Bobino pour un spectacle sans queue ni tête qui ébahit le spectateur de ses acrobaties impressionnantes et inédites. On en redemande, calice d’hostie !
Un joyeux capharnaüm jonche la scène de Bobino. Ici, des bancs en bois, là, des bibelots, là encore des skis ou tout un fatras de menu fretin. Mais tout d’un coup, tout est balayé, dispersé dans les recoins sombres des coulisses, par les neuf énergumènes tout de blanc vêtus qui envahissent l’espace avec énergie. Sont-ils danseurs, chanteurs, musiciens, acrobates ? Ou tout ça à la fois ? Pendant 1h15 de spectacle, tous les repères habituels vont voler en éclat, comme les comédiens dans les cimes de la salle, voltigeant à qui mieux mieux.

Ils sont neuf Québécois qui viennent ici prêcher la bonne parole. Mais pas celle de l’Evangile, non, plutôt celle de la Désobéissance, de la Liberté à tout crin. Un hymne national interprété main sur le coeur qui ressemble davantage à une chanson aussi poétique que revendicatrice et tout d’un coup, la joyeuse troupe revêt des patins à roulettes pour se lancer dans une chorégraphie endiablée qui donne le tournis. En hauteur, sur des gradins de fortune, une batterie, des guitares, des percussions et même un violoncelle. Ils seront six sur scène à se jeter à corps perdu dans des acrobaties époustouflantes quand en haut, les trois restants rythmeront la cadence de mélodies chaloupées. Parfois, tous s’interrompent pour entonner en choeur une chanson à portée humoristique, avant de repartir dans les rôles qui leur sont dévolus.

Numéros à base d’eau, de pyramides humaines, de fouets qui claquent, de balançoires intrépides ou de poutres, tout s’enchaîne sans laisser aux spectateurs le loisir de respirer. Car certaines performances paraissent si dangereuses pour les intrépides artistes, que l’on retient son souffle, les mains moites et les yeux écarquillés. Et si jamais une performance venait à rater, elle est vite reprise pour être cette fois exécutée à la perfection. Les six athlètes ne lésinent pas sur une énergie communicative, une écoute à toute épreuve, nécessaire pour la réussite de ces saynètes. Il ne manque qu’une certaine narration (ne cherchez pas, il n’y en a aucune, hormis le plaisir évident que tous prennent à être sur scène, avec générosité) pour que le spectacle soit parfait.

Les Québécois ont décidément beaucoup de leçons à donner aux Français. Avec humilité, talent et précision, ils parviennent à créer un show qui ne ressemble à nul autre. On en avait déjà eu un avant-goût dans leurs films (merci Denis Villeneuve, Xavier Dolan et autres Denys Arcand), leurs pièces de théâtre (le No Show, événement interactif du dernier festival d’Avignon), on en a désormais confirmation pour les spectacles acrobatiques, comme la compagnie des Sept Doigts de la Main en avait déjà été le chantre. Il faut désormais compter également avec le Cirque Alphonse. Mais tabernacle, ça ne dure que jusqu’au 9 juin !
Tabernak, à Bobino, du mercredi au samedi à 20h30 (également 16h le samedi). Jusqu’au 9 juin.
20 rue de la Gaité
75014 Paris