
Mafia blues
Préparez-vous à être ébahis en entrant au Palais des Glaces avec Speakeasy, un spectacle qui mêle intelligemment danse, performance circassienne, esthétisme cinématographique et émotion. Ou quand Tarantino s’invite au théâtre pour des voltiges et des cabrioles qui fuseraient avec autant de brio que ses dialogues…
Un speakeasy était traditionnellement un bar clandestin pendant la Prohibition où la pègre venait régler ses comptes et boire de l’alcool à profusion. Ce qui a donné lieu à de nombreux films noirs, même si certains lorgnaient aussi du côté de la comédie comme Certains l’aiment chaud. Aujourd’hui, un speakeasy est simplement un bar caché dans un endroit inattendu et qui fait les beaux soirs des grandes villes internationales. C’est aussi le nom du nouveau spectacle de la compagnie The Rat Pack. Le décor, simple, évoque ces lieux des années 1920 où l’on se doute que l’alcool va couler à flot autant que le sang. Ce ne sont pas les six protagonistes qui s’y rencontrent qui vont dire le contraire (à condition qu’ils parlent, tout le spectacle étant muet, hormis quelques chansons). On y fait la connaissance d’un parrain de la pègre, de son homme de main, de la patronne des lieux, d’une chanteuse glamour, d’un barman élastique et d’un homme mystérieux dont les intentions ne semblent guère louables.

Et ce petit monde de tenter de s’éliminer les uns les autres, avec armes cachées sous la table ou en haut d’un mat. Mais avant l’adrénaline des duels, voici celle des duos qui se dansent. Sous une bande-son extraordinaire de Chinese Man, on retrouve des numéros de hip hop version gangster en noir et blanc, des chansons émouvantes et tout ce qui fait l’essence de l’univers circassien, entre funambulisme, cerceaux, pyramides humaines et autres roues géantes. Mais à la différence des autres spectacles basés sur le même concept (un décor qui sert de prétexte à une succession de grands moments impressionnants) comme ceux de la Compagnie des 7 doigts de la Main ou du Cirque Alfonse pour ne citer que les plus connus. Ici, tout dessert l’histoire. Entre mensonges et trahisons, aucun protagoniste ne semble à l’abri d’une fin tragique (ni de faire rire le public). Reste à savoir qui l’emportera entre la femme fatale, le gangster imprévisible ou les hommes de main à la gâchette facile.

Surtout, chacun de ces numéros est un régal pour l’oeil et procure des émotions diverses. Rarement on aura été aussi impressionnés par pareils voltiges et grands écarts en plein air, tant tout semble fluide et pris au sérieux, sans se départir de la classe naturelle de ces anti-héros des années noires de la Dépression. Il s’agit ici du premier chapitre d’une histoire appelée à avoir une suite. On l’attend avec grande impatience.
Speakeasy au Palais des Glaces, 37 rue du Faubourg du Temple, 75010 Paris.
Jusqu’au 1er septembre. Du mardi au samedi à 20h.