
Un spectacle qui ne singe rien
Voici un spectacle qui ne conviendra pas aux âmes dites sensibles, mais qui devrait être vu, justement par toute âme qui vive. Virginie Despentes adapte son best-seller King Kong Théorie en un spectacle à trois voix captivant sur la sexualité féminine.
On connaît le franc-parler de Virginie Despentes. Elle ne va pas par moult circonvolutions pour étayer son propos et va droit au but. Elle appelle une chatte, une chatte et tant pis si cela peut heurter les bien-pensants. Révoltée née, figure de proue d’une sexualité libre, elle délivre sa parole avec une précision chirurgicale et ce, sans anesthésie. Forcément, quand on va voir l’adaptation de son essai de 2006, King Kong Théorie, qui reprend actuellement au Théâtre de l’Atelier, on sait à quoi s’attendre. On sait qu’on sera bousculé, parfois choqué, révolté non pas par le fond, ni la forme du spectacle, mais par les faits qui sont délivrés devant nous, qui reflètent une société encore trop dirigée par le sexe dit fort. Il y a bien eu le mouvement #metoo, entre temps, mais certaines choses, pour le moment, n’ont pas encore assez évolué.

Le spectacle est divisé en trois chapitres et interprété par trois comédiennes qui incarnent, tour à tour, finalement, la même figure féminine. Celle de la femme bafouée, dont le sexe est une marchandise et qui se rend compte que le monde ne tourne pas rond. Un constat pur et dur à la vérité crachée au visage du spectateur, à la fois complice et témoin de ce qu’elles subissent. Le premier chapitre aborde le viol. Un crime traumatisant dont certaines femmes gardent sous silence de peur d’être jugées. Car on en est encore là : si une femme a été violée, c’est sans doute qu’elle l’avait bien cherché. Le spectacle reflète cet état d’esprit nauséabond à travers le témoignage de deux jeunes filles montées dans une voiture où elles n’auraient pas dû et qui vont garder, chacune, des séquelles du viol collectif qu’elles vont subir. L’une des deux gardera ça au fond d’elle quand l’autre se prostituera. La prostitution, cette marchandise des corps, volontaire ou non, est l’autre chapitre du spectacle.
Trois filles de joie qui n’ont que de la peine à revendre, racontent leur quotidien. Il y a ce tabou de celles qui vendent leurs charmes sciemment, par pur plaisir du sexe et de satisfaire des hommes à la misère sexuelle. Il y a celui aussi de celles qui le font pour joindre les deux bouts, sans savoir quoi faire d’autre. Enfin, le dernier volet s’intéresse à la pornographie, fustigée, décriée et pourtant si répandue. Une hypocrisie qui ne dit pas son nom, là encore, comme s’il était honteux de regarder des films X et qui place cette honte au-dessus de celles et ceux qui les font, les vendent ou les matent.
Le spectacle se fait parfois interactif. Il est demandé aux femmes de libérer, justement, leur parole. Ont-elles honte de parler de masturbation féminine ? Sont-elles épanouies sexuellement ? Certaines finissent par parler et un dialogue s’installe avec les comédiennes, toutes les trois brillantes et impliquées et ravies d’être là. De donner une leçon magistrale sur le sexe, la féminité et finalement, l’amour, en bout de parcours. L’amour de soi, de son propre corps, de son sexe, de sa condition. A défaut du reste. Un spectacle fort, poignant, parfois drôle, mais surtout, nécessaire.
Jusqu’au 31 décembre, du mardi au samedi à 21h.
Théâtre de l’Atelier, 1 place Charles Dullin 75008 Paris.
j’en avais vu une adaptation au festival d’Avignon, un spectacle très fort!