En cette période de confinement, mon ami Rodolphe Trouilleux, qui vient de rejoindre le blog vous fait part d’un journal imaginaire : « Journal d’un vieux confiné » Historien, auteur de nouvelles, conférencier, rédacteur au Journal Le Chat Noir, on me présente souvent comme le spécialiste de Paris secret et insolite, rappelant en cela mon livre éponyme. C’est un peu vrai mais Paris dans son ensemble me passionne depuis toujours. La ville d’hier et d’aujourd’hui, ses multiples histoires et faits divers occupent mon quotidien. Incorrigible piéton, je parcours les rues parisiennes en tous sens, et mes découvertes sont nombreuses. Qu’elles soient théâtrales, littéraires, gastronomiques, etc, les surprises sont souvent au rendez-vous et c’est un plaisir de les partager.
Sixième jour de confinerie
Plus de cornichon, c’est la crise. Maman va finir par être agressive à force de tourner en rond. Manque de bol, la picupe est tombé en panne et du coup, le récital du Vincent Vincent s’est arrêté net. Ça tourne à la dinguerie sa passion pour ce toqué. « Reviens dans mes bras d’amour », « Avant toi j’étais moins, avec toi, je suis plus » ; « Poignées d’amour, valise de tendresse » passés en boucle, ça use le siboulot. Bon, faut avouer que je suis pas vraiment étranger à la panne : un coup de tournevis et le machin a lâché.
Depuis c’est le silence dans la cabane, a part les agacements de Maman qui s’est remise à tricoter une maille à l’envers une maille à l’endroit. Elle me fait un pull pour l’hiver qu’elle dit. Déjà que la laine couleur chiure de mouche j’aime pas ça, mais en plus la forme qu’elle a chopé sur le ternet c’est pas trop mon style, un truc dans le genre pull poncho africain, c’est moche. Mais je risque pas de la ramener là-dessus, ya risque d’explosion.
Elle fait du yoga à distance maintenant, avec le Kiki qui lui cause dans la boîte en plastique. Elle est encore souple pour son âge mais ça craque pas mal, ça manque d’huile tout ça.Moi je me suis remis à la maquette du bateau, mais j’ai dû coller des éléments à l’envers, ça marche pas comme je veux. « Quand on est comme toi, on fait pas ce genre de truc » qu’elle m’a dit, du genre que suis trop con pour finir le montage du bateau. Elle va voir ce qu’elle va voir, moi je suis parti pour finir en beauté, avec le machin bien peint comme sur l’étiquette.
J’ai causé avec le Lucien à ma fenêtre tout à l’heure. Mémène elle déprime aussi depuis leur retour. Le camp des tous nus fermés ça lui en a mis un coup où il fallait pas, elle est chafouine aussi. Lucien il porte un masque à la con toute la journée, un machin de farces et attrapes avec la gueule de Bob l’éponge. J’ai eu beau lui dire que ça servait à rien il a rien voulu entendre. Je me suis trop marré quand j’ai vu Mémène avec sa tête de Mickey sur la goule. C’est pas possible d’être aussi con, tout de même.
Ce soir quand ils vont sortir dehors pour les applaudissements des blouses, y’en a qui vont péter de joie!Y paraît que le cocu du bout de la rue y veut me proposer un truc. Ah oui ? j’ai trouvé son papier dans la boîte aux lettres : « Bonjour voisin, je suis désolé de vous déranger mais pourriez-vous dégager un instant dans la journée de demain pour que nous puissions échanger librement sur la crise. Bien cordialement. Riton »« Puissions » ? Oh, celui-là, avec ses mots précieux il va pas tarder à m’énerver la vie.
Bon, on verra demain.
