Journal d’un vieux confiné…Jour 36

En cette période de confinement, mon ami Rodolphe Trouilleux, qui vient de rejoindre le blog vous fait part d’un journal imaginaire : « Journal d’un vieux confiné  »  Historien, auteur de nouvelles, conférencier, rédacteur au Journal Le Chat Noir, on me présente souvent comme le spécialiste de Paris secret et insolite, rappelant en cela mon livre éponyme. C’est un peu vrai mais Paris dans son ensemble me passionne depuis toujours. La ville d’hier et d’aujourd’hui, ses multiples histoires et faits divers occupent mon quotidien. Incorrigible piéton, je parcours les rues parisiennes en tous sens, et mes découvertes sont nombreuses. Qu’elles soient théâtrales, littéraires, gastronomiques, etc, les surprises sont souvent au rendez-vous et c’est un plaisir de les partager.

Trente-sixième jour de confinerie

Maman est au paradis des cornichons depuis hier. Elle tricote depuis deux jours à côté d’un bocal ouvert. Elle a fini par m’écouter et elle a arrêté de faire des masques en laine qui servaient à rien. Maintenant elle fabrique des écharpes pour les gens des hôpitaux avec une croix rouge dessus. J’ai eu beau lui dire que ça servirait à rien vu qu’on allait vers les beaux jours, elle veut rien entendre.

Tiens, on a entendu parler à nouveau de Riton, le cocu du bout de la rue. Maintenant y fait le représentant pour les Termomisque, ces machins à roulettes qui servent à faire les soupes et la ragoûts. Y s’est fabriqué un chariot avec une pile et y va de maison en maison pour proposer d’acheter un de ses trucs. Ah il est chouette avec sa toque de cuisinier et son petit tablier. Moi je sens qu’il y a une embrouille là-dedans, c’est obligé, vu que ce gars il est malhonnête comme une fouine. D’abord, son Termomisque il est en bois, avec des tas de ressorts qui couinent à l’intérieur et puis y dit que ça fabrique des tas de truc qu’il nous montre. La soupe je veux bien, la ratatouille peut-être, mais les tartes et les pâtés en croûte ça m’étonne. Quand on veut y vient faire une démonstration devant la maison des gens avec sa pinupe. Elle, elle est toujours pareille : avec ses jupes ras la boîte à rigolade et ses faux cils de star de cinéma c’est un attentat à la pudeur ambulant. 

Alors quand lui y parle de cuisine à madame, elle fait du gringue au mec de la maison. Et c’est comme ça qu’ils en ont vendus plusieurs de ses machins. Mais il a eu des problèmes parce qu’il a voulu embrouiller le petit couple de l’autre bout de la rue, là, les deux mecs qui vivent ensemble. Manque de bol le numéro de charme ça donnait rien vu que la rombière, les gars, ils la trouvaient vulgaire et, qu’en plus, y s’est pas adressé au bon mec pour parler de la cuisine… Celui-là c’est vraiment un arnaqueur de première, à force de jouer y va finir pas gagner. 

Nous en s’en fout du Termomisque. On a un chouette robot qui fonctionne au gaz depuis plus de vingt ans, alors les machins nouveaux qui coûtent la peau de nos fesses c’est pas pour nous. Et puis je l’ai transformé, comme je suis un peu bricoleur. A l’usine j’avais adapté dessus un pot d’échappement de mobilette pour faire les nouilles et la purée. J’avais trouvé les plans sur Pif gadget. Toutes ces machines c’est des trucs pour nous faire dépenser l’argent qu’on n’a pas. 

J’aimerais bien trouver une idée comme ça moi, pour faire des sous, mais je suis pas malhonnête comme le Riton et puis j’ai pas une pinupe à la maison.

Y’a qu’un truc que j’ai vendu pas mal quand j’étais jeune, c’était la machine à lécher les timbres. Je faisais du porte à porte chez les gens qu’avaient du mal à tirer la langue et je leur plaçais mes machins. Je grattais un peu d’argent en faisant du bénef sur les piles. Mais j’ai pas eu de succès avec les machines à essorer les parapluies et les rouleaux pour repasser les slips. Bon faut dire que repasser les slips ça sert à rien, alors…

Tout ça c’était avant que j’entre chez Dubois-Glandier. Comme mes parents y roulaient pas sur l’or, mes petits boulots ça mettait un peu de beurre sur les panards. J’ai vendu aussi des aspirateurs qu’aspiraient pas grand-chose, des dictionnaires en deux volumes mais on a jamais imprimé le deuxième, des marteaux à bomber le verre, du wisky concentré, de la lessive de charbon de bois, des mini pompes à vider les œufs, des impers qui rétrécissaient sous la pluie et j’en passe… Bon… C’était pas très honnête tout ça mais j’étais bien jeune.

Pour le reste on verra demain. 

Copyright R.Trouilleux

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Historien, auteur de nouvelles, conférencier, rédacteur au Journal Le Chat Noir, on me présente souvent comme le spécialiste de Paris secret et insolite, rappelant en cela mon livre éponyme. C’est un peu vrai mais Paris dans son ensemble me passionne depuis toujours. La ville d’hier et d’aujourd’hui, ses multiples histoires et faits divers occupent mon quotidien. Incorrigible piéton, je parcours les rues parisiennes en tous sens, et mes découvertes sont nombreuses. Qu’elles soient théâtrales, littéraires, gastronomiques, les surprises sont souvent au rendez-vous, et c’est un plaisir de les partager.

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