
Avant le confinement, l’auteur, metteur en scène, comédien et chroniqueur Mickaël Delis aurait dû être sur les planches du Théâtre de la Reine Blanche pour un seul en scène dont il est l’auteur, Le Premier sexe. En attendant que le spectacle voit le jour prochainement, il nous fait part de ses coups de cœur.
Un album de musique :
Aimer ce que nous sommes de Christophe, album qui vient imposer sa nécessité plus que jamais en ce moment. Par son titre. Par tous ses titres. Et par le départ si triste de son génial auteur. A noter que la reprise des Mots bleus par Johan Papaconstantino est assez idéale pour de l’apéro à demi nu au balcon avec l’amoureux ou l’amoureuse. Marche aussi sans balcon. Et sans amoureux/amoureuse.
Une chanson en particulier :
It must be a sign, de Christophe, dans cet album. Elle me bouleverse. La débit de Denise Colomb qui parle d’une voix si belle et si sage, l’inventivité folle de la musique, la montée en puissance qui donne envie de faire exploser l’enceinte Marshall, le format ovni. Petite leçon de génie.
Un clip :
Placement de produit. Celui de mon frère pour un morceau qu’il a composé avec Bastien Burger, et Léo Grandperret en featuring. Second Chance.
Parce que mon frère jumeau me manque. Parce que Slimane Majdi, un des meilleurs amis qui y joue avec moi me manque. Parce que Clara Huet, une des meilleures amies qui y joue avec moi me manque. Parce que Bastien Burger le meilleur ami de mon frère qui est mon voisin me manque, même si je peux parfois l’apercevoir depuis ma fenêtre en quasi voisin pantinois.
Mais j’ai hésité avec Dark Horse de Katy Perry pour le plaisir coupable de ce monument de kitsch bitchy. Et avec Basique d’Orelsan, parce que j’adore les travellings géants sur rap intelligent. Et Territory de The Blaze. Parce que là, c’est carrément très beau.
Un film :
Je ne sais pas si c’est le contexte mais je pense d’abord à Take Shelter de Jeff Nichols. Au delà du fait qu’on le traduirait pas « trouver refuge » / « rester à l’abri », l’interprétation du génial Michael Shannon et de la non moins géniale (et sublime) Jessica Chastain est bluffante, le travail sur l’angoisse, la névrose, l’atavisme est d’une intelligence rare, et la réflexion sur la famille me bouleverse. Mais ne pas voir les miens, malades de surcroit, comme dans le film, vient sûrement ajouter au faisceau des projections.
Une série :
Sans aucun doute : Tales from the loop que je dévore en ce moment. D’une beauté plastique rare. Un univers entre l’anticipation et la dystopie où la prouesse technologique (plutôt vintage en l’occurrence) est prétexte à l’exploration de l’intime. L’amitié, le désir, le temps, le deuil, la transmission. Magistral. Et puis c’est un défi à la rapidité contemporaine, sans pour autant verser dans le contemplatif relou qui fait dormir et/ou te fait culpabiliser de ne pas être un bon cinéphile.
Il y a Khalifat, aussi. Autre ambiance – radicalisation en Suède, c’est pas fendard en confinement – mais dès le premier quart d’heure, on est happé par le jeu, le rythme, l’écriture. Fascinant. Mais surtout pas Caca de papel. Cette dernière saison… Le scénariste a dû faire un AVC. Je ne vois pas d’autres explications !
Un documentaire :
Les Rêves dansants. Encore et encore. Pina Bausch. Le croisement des générations. L’art pour tous. La beauté par tous. Vraiment. Encore et encore. Chef d’œuvre.
Un podcast :
Les Couilles sur la table, de Victoire Tuaillon, qui offre une somme assez remarquable de tout le travail sur le genre masculin actuel à grands renforts d’Olivia Gazalé, Virginie Despentes, Paul B. Preciado, Simone de Beauvoir, Mona Chollet. De la bien belle compagnie pour de la réflexion invitante, accessible et indispensable.
Mais La Recherche du temps perdu, pour le confinement, c’est pas mal aussi…
Une bande dessinée :
Fabcaro. Tout. Tout. Tout de lui. Allez, Moins qu’hier (plus que demain) s’il fallait commencer par une. Quelques dizaines de planches hilarantes sur le couple qui feront hurler de rire ceux qui doivent vivre à deux non-stop et ne pas regretter les célibataires de ne pas être accompagné.
Une exposition virtuelle :
Je vais dire un truc tarte, mais il y a un challenge – si, si – sur Facebook où il faut reproduire des œuvres depuis chez soi. Ayant quelques amis créatifs, je vois passer beaucoup de trucs réjouissants et je révise les classiques à travers une belle galerie renouvelée chaque jour, allant de La Laitière de Vermeer à La Naissance de Vénus de Boticelli, en passant par du Hopper ou du Velazquez. Un copain a fait La Méduse du Caravage avec ses chaussettes vertes sur la tête. C’est drôle et c’est beau.
Sinon je rêve de revoir Rauschenberg à Beaubourg, Caillebotte à Orsay, et Le Greco au Prado.
Une recette de cuisine :
Je vous donne l’adresse de Picard. 59 avenue Jean Lolive. 93500 Pantin. Ils savent mieux que moi. Et je leur dois ma survie culinaire.
Une activité sportive :
Jog. Gym. Sexe. Sans ordre prescriptif. Mais un peu de chaque à peu près tous les jours.
Une citation :
« Je suis pessimiste avec l’intelligence, mais optimiste par la volonté » traduit ailleurs par « Il faut allier le pessimisme de l’intelligence à l’optimisme de la volonté ». Gramsci à son frère dans une des lettres de leur correspondance.
Un conseil pour bien vivre son confinement :
Le vivre comme on vit le reste de sa vie. Mollement si on est mou. Follement si on est fou. Sagement si on est sage. Et hyperactivement si on est hyperactif. Ca rend la rupture d’avec le rythme passé moins violente. Et ça évite de stratégiser un temps qu’on a le droit de ne pas chercher à optimiser. En tous les cas, pas de pression à la « réussite » du confinement, qui devrait être « profitable » ou « rentabilisé ». Envoyer péter la culpabilité catho-capitalise est un geste de santé publique (et mentale).
Votre actualité à la reprise de la vie normale :
La reprise des répétitions pour divers projets, notamment pour le solo qui devait se jouer du 26 mars au 2 mai (difficile d’avoir le nez plus creux en termes de timing) et l’autre pièce que j’écris et co-mets en scène avec des résidences au Carreau du Temple début juin. La reprise de ma chronique hebdo sur France 5 si les dîners de C à vous La suite reprennent. Le tournage d’un format court écrit par une amie pour Arte. Et aller embrasser mon agent géniale Christelle Graillot parce qu’elle aussi me manque bien fort.
Après les câlins à la maman, au papa, à la sœur et au jumeau dans le Sud Ouest, bien entendu.
Merci Mickaël et bon confinement !
- https://www.change.org/p/renouvellement-des-droits-des-intermittents-du-spectacle?fbclid=IwAR0OnGWtIfmee8B2WGEkG8seVdL9HP713nkIbTI8-8cVpBJ_fpHlhMzIPI8
- https://www.change.org/p/pr%C3%A9sidence-de-la-r%C3%A9publique-culture-en-danger-lettre-ouverte-au-pr%C3%A9sident-de-la-r%C3%A9publique?recruiter=256664936&utm_source=share_petition&utm_medium=email&utm_campaign=share_email_responsive&recruited_by_id=5bf947b0-ccc3-11e4-999d-ffd921ebf6cb
Un commentaire sur « Les coups de coeur du comédien Mickaël Delis pendant le confinement »