Révélée dans la série Cherif dans le personnage impétueux de la capitaine Adeline Briard, la comédienne Carole Bianic partage son temps entre les scènes de théâtre et les plateaux de tournage. On a pu la voir dernièrement dans La Faute à Rousseau et Crimes Parfaits et en attendant de la retrouver à la télévision, elle nous a livré ses coups de coeur du moment.
Un album de musique ?
De nos jours, avec l’offre pléthorique de musique sur les plateformes, on écoute de tout, en dilettante et on ne prend plus la peine d’écouter un album en entier. Mais je citerai celui-ci qui me fait retomber en enfance, Tu m’écris d’Isabelle Mayereau. C’est fantastique. Cette artiste a des textes brillants. Je n’avais pas conscience quand j’étais petite de la portée de ses propos. Mon père l’écoutait beaucoup et sa musique a le don de me replonger dans des émotions grâce à ses arrangements dépouillés et par la dualité entre sa voix susurrée et ses textes très sombres et cinglants. Une petite voix qui raconte des horreurs par une grande dame de la chanson française.
Une chanson ?
En ce moment, j’aime bien écouter Radiate de Jeanne Added. Il y a une impulsion folle dans cette chanson. Quand je l’écoute, je me sens invulnérable, prête à tout affronter. Ça me fait du bien. Elle me rebooste quand j’en ai besoin.
Un clip ?
Thriller, de Michael Jackson. Je l’avais en cassette et je le mettais en cachette chez des amis de mes parents. Je savais que j’allais être terrorisée, que j’allais me cacher sous les couvertures, mais je ne pouvais pas m’empêcher de le regarder. Dans l’enfance, on aime à se faire peur, on cherche nos limites. On en a besoin pour se construire et ce clip m’a vraiment marquée. Il est fascinant et restera dans les annales.
Un film ?
Eternal sunshine of the spotless mind, de Michel Gondry qui me bouleverse à chaque visionnage. Il est tellement créatif ! Gondry est un génie pour moi. Il a des trouvailles fascinantes, des constructions astucieuses, un imaginaire sans limites. Il apporte toujours à ses films une touche très poétique qui vient vous chercher au plus profond. Je me suis toujours demandée comment on pouvait s’aimer jusqu’à ce que la mort vous sépare et se détester du jour au lendemain jusqu’à en oublier l’autre. Et dans ce film, Gondry va très loin dans cette thématique et je le trouve même visionnaire. On sait par exemple maintenant que nos souvenirs ne sont pas si réels que ça.
Une série ?
Black Mirror. J’aime quand la science-fiction est bien faite et il y a dans cette série toute une réflexion sur notre société qui se robotise, avec une technologie de plus en plus addictive, invasive et aliénante dans nos vies. Cette série explore un imaginaire qui n’est pas si loin de nous, finalement. C’est toujours basé sur des sciences exactes et je trouve qu’aujourd’hui, notre libre-arbitre est effectivement manipulé par toute cette technologie. Cette série me fascine.
Récemment, j’ai vu Caïd sur Netflix, co-réalisé par Ange Basterga et Nicolas Lopez. C’est de la frappe ! Une réalisation en immersion, tourné comme un documentaire et qui offre une réflexion sur nos choix de vies, le conditionnement social et jusqu’où l’on est prêt à aller pour une passion, un métier, au détriment des autres. C’est magistral, violent, hypnotisant.
Un documentaire ?
J’adore les documentaires, en particulier I am not your negro de Raul Peck. Déjà pour le réalisateur que je trouve passionnant, vibrant, engagé. Et avec ce film, il livre un superbe devoir de mémoire pour tous les afro-américains, mais aussi l’Amérique en elle-même qui prône des valeurs humanistes et qui finalement est empêtrée dans un mensonge, sous couvert de puritanisme et de chrétienté. C’est important de se rappeler de son passé, d’où on vient, que ce pays s’est construit sur des génocides et a peur de l’autre.
Un photographe ?
J’aime beaucoup Willy Ronis. Il y a beaucoup d’émotion dans ses photographies. Il s’inscrit dans un courant humaniste français et il a un beau regard sur le quotidien, sur toutes les classes sociales, sur la rue…
Une exposition ?
La famille de mon mari habite en Suisse et chaque fois que l’on va là-bas, je vais voir les expositions temporaires de la Fondation Pierre Gianadda. Un musée à taille humaine où l’on présente des collections personnelles incroyables, des tableaux qui ne sont vus nulle part ailleurs que dans cette fondation.
Un spectacle ?
Je suis fan du travail d’Igor Mendjisky, un grand metteur en scène en devenir et qui est un ami également. Il est aussi auteur et interprète. On ne sort jamais indemne de ses pièces qui durent à chaque fois au minimum 2h30. A chaque fois, un tourbillon d’images et d’émotions qui vous laisse pantois, avec une dimension poétique incroyable qu’il apporte à son propos. C’est souvent sous forme de fable. Il est obsédé par la vie, la mort, notre place face à la finitude. Il travaille beaucoup de manière collective, à base d’improvisations sur le plateau à partir d’un fil conducteur. La dernière pièce que j’ai vue de lui c’est Le Maître et Marguerite au Théâtre de la Tempête qui était un vrai bijou et j’ai hâte de voir la prochaine, Les Couleurs de l’air, qui parle de son père décédé qui était à la fois un grand peintre et un escroc. Elle commence au moment où les personnages sont en train de le manger… Je ne rate aucune de ses pièces et j’espère qu’on parlera encore plus de lui prochainement. On n’est jamais déçu.
Un livre ?
Je suis une grande lectrice, je lis un livre par semaine environ. Récemment, j’ai adoré Arène de Négar Djavadi, d’une lucidité impitoyable. C’est sur des protagonistes d’une société d’images qui sont pris dans un terrible engrenage. Le tout, dans une atmosphère urbaine au bord du chaos. L’autrice met en exergue tous les enjeux de notre époque, c’est d’une violence inouïe. C’est très bien écrit et c’est une vraie critique de la société des écrans. Elle nous révèle tels que nous sommes, mais sans aucun jugement.
Sinon, un ovni hors norme, Les Furtifs d’Alain Damasio. Je suis restée scotchée car il y a une invention dans l’écriture, chaque personnage à sa propre caractérisation, ponctuation, typographie. C’est l’histoire d’une quête d’un enfant perdu, à travers un récit de science-fiction très maîtrisé. Ça se déroule dans un monde dominé par la technologie, traquant tout le monde. Les villes appartiennent à de grands groupes financiers et il y a des résistants qui essaient de vivre en dehors de ce système et qui vont tenter de trouver une autre forme d’existence, avec une intelligence supérieure, animale, capable de fusionner avec leur environnement. Il y a une vraie réflexion quant à la vigilance à avoir en tant que citoyens. C’est génial.
Une bande dessinée ?
La Bombe d’Alcante, Bollée et Denis Rodier. Une claque ! Une fresque retraçant l’histoire de la bombe atomique. Les dessins sont des représentations de protagonistes qui ont réellement existé. Ça va de la découverte de l’uranium jusqu’à la course à l’armement nucléaire et Hiroshima. On suit un scientifique qui va travailler sur la fission de l’atome d’uranium et qui va se rétracter quand il va comprendre ce qu’il a entre les mains. En vain. C’est à tirer les larmes. Ce qui est notamment fantastique dans cette BD, c’est qu’elle n’est pas manichéenne. Il y a beaucoup d’émotion. Elle devrait être lue dans les collèges et les lycées, car on est toujours sous le jougs d’une menace nucléaire.
Une recette de cuisine ?
Le kig ha farz. C’est quelque chose de très régressif chez moi. Je suis du Finistère Nord et j’en mange depuis toute petite. Je prends la farce et je rajoute du sucre blanc. Ce n’est pas facile à faire et ma grand-mère était une experte dans ce domaine.
Une activité sportive ?
L’équitation, mon deuxième métier. J’en fais depuis que j’ai 10 ans. J’ai passé mon diplôme d’enseignante tardivement. Je monte régulièrement, j’avais repris les concours de dressage en amateur avant la pandémie. Ça me fait toujours beaucoup de bien. C’est un sport passionnant qui mélange la méditation à l’exercice physique, on se remet toujours en question, on doit toujours faire en fonction de son état et celui du cheval.
Votre actualité ?
On a pu me voir sur France 2 dans La Faute à Rousseau et Crimes Parfaits. J’ai tourné dans un épisode de la série Nina qui va être bientôt diffusé et dans lequel j’interprète la mère d’Axel Auriant. Une super expérience sous la direction dingue d’Eric Leroux. Je joue aussi dans un épisode de la série policière canadienne Hudson et Rex qui sera diffusé cet été. On pourra me voir sur TF1 dans Renaissances et dans Capitaines Pennac sur France 2.
Merci Carole !

Adorable Carole Bianic