GRAVER LA GUERRE : GEORGES BRUYER, UN ARTISTE AU FRONT

Inauguré en 2011, le Musée de la Grande guerre du Pays de Meaux est le plus grand espace d’Europe consacré au conflit de 1914-1918 qui secoua l’équilibre politique mondial et inaugura avec fracas la société moderne du 20ème siècle. Consacré tant au civil qu’au militaire, c’est un espace passionnant et bouleversant à la muséographie moderne et intelligente.

Jusqu’au 22 août 2021, l’artiste Georges Bruyer est mis à l’honneur dans cette institution qui nous propose une exposition temporaire des plus plaisantes et intéressantes, tant pour les grands que pour les petits. 

Peintre, graveur et céramiste, Georges Bruyer a combattu sur le front de l’Aisne jusqu’en juillet 1915, où il fut blessé. Il fut ensuite peintre missionné aux armées en 1917.
Pas de violence trop visible dans les œuvres exposées, mais une présentation sobre du quotidien du poilu qui est des plus poignantes.

Cette exposition n’aurait pas été possible dans le formidable don fait par la famille de Bruyer, de l’ensemble des « œuvres de guerre » conservées dans son atelier historique à Asnières-sur-Seine, soit plus de 400 dessins, estampes ou huiles sur toile, corpus peu connu voire en grande partie inédit.

Des dessins retracent les combats de l’été 1914, saisissant les silhouettes de camarades et décrivant, souvent avec ironie, la vie misérable des hommes dans les premières tranchées, marquée par l’improvisation et le manque de tout. 

Plusieurs gravures monochromes, en taille-douce directe sont des plus angoissées. Il joue avec la densité et la finesse des traits de la gravure pour évoquer les espaces plus ou moins sombres du sol, du ciel ou des paysages dévastés. L’essentiel du travail graphique porte sur les corps pathétiques des morts et des combattants fatigués, usés, blessés par la dureté du conflit. Des peintres sont chargés par le ministère des Beaux-arts de se rendre sur le front pour documenter la guerre. De retour, il travaille en peinture en représentant les bâtiments en ruines des localités visitées dans le cadre de la mission, dans lesquelles apparaissent rarement les hommes. 

Bruyer fut commotionné et blessé par l’explosion d’un obus en juillet 1915 dans le secteur de l’Étoile, un lieu-dit en première ligne au nord-ouest de Vic-sur-Aisne. Evacué du front le 21 juillet à l’hôpital de Villers-Cotterêts il fut transféré le 30 à l’hôpital de la Salpêtrière à Paris. 

Pendant sa convalescence, Bruyer produisit plusieurs gravures monochromes à l’eau-forte à l’inspiration plus angoissée et concentrée sur la souffrance des hommes. Il jouait avec l’esthétique, la densité et la finesse des traits de la gravure pour rendre compte du conflit et de sa violence.

Une longue convalescence commençait. Bruyer fut transféré en janvier 1916 à l’hôpital Beaujon où il fut opéré le 9 février dans de mauvaises conditions. Fortement marqué par sa blessure, il souffrit de tremblements de la tête et des membres supérieurs. Il fut réformé à plusieurs reprises de façon temporaire et ne retournera plus combattre. 

Dans l’album 24 estampes sur la guerre réalisées sur bois tout le savoir-faire du graveur se mêle à son inspiration. Ces œuvres sont terriblement poignantes. Le trait est sûr, les couleurs bien choisies. Situés bien au-delà d’un sombre rapport photographique l’émotion nous gagne devant ces bois gravés d’une main sûre. 

Cette exposition, témoignage d’un homme confronté à la violence du conflit mais aussi à son quotidien étrange, étonnant, souvent insupportable, est un merveilleux livre d’image, à admirer en pensant au sacrifice de millions d’hommes.

Catalogue de l’exposition George Bruyer, graver la guerre Co-éditions Ouest-France 112 pages 21 x 21 cm Prix de vente public : 15,90 € TTC

Musée de la Grande Guerre
rue Lazare Ponticelli – 77100 Meaux 01 60 32 14 18

à 50 km de Paris par A4/RN3 – parking gratuit à 30 minutes par la Gare de l’Est en Transilien

ouvert tous les jours sauf le mardi, de 9h30 à 18h Tarif plein : 10 €
Tarifs réduits : 9, 7 et 5 € selon conditions

Le billet d’entrée au musée donne accès à la fois aux collections permanentes et à l’exposition temporaire Le musée est gratuit tous les 1er dimanches du mois

En raison de la situation sanitaire et pour se conformer aux dernières consignes gouvernementales, le musée de la Grande Guerre se réserve le droit de modifier ses horaires d’ouverture. Programmation culturelle susceptible de changer ou d’être annulée en fonction du contexte sanitaire.

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Historien, auteur de nouvelles, conférencier, rédacteur au Journal Le Chat Noir, on me présente souvent comme le spécialiste de Paris secret et insolite, rappelant en cela mon livre éponyme. C’est un peu vrai mais Paris dans son ensemble me passionne depuis toujours. La ville d’hier et d’aujourd’hui, ses multiples histoires et faits divers occupent mon quotidien. Incorrigible piéton, je parcours les rues parisiennes en tous sens, et mes découvertes sont nombreuses. Qu’elles soient théâtrales, littéraires, gastronomiques, les surprises sont souvent au rendez-vous, et c’est un plaisir de les partager.

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