Ouïr et jouir, pourquoi choisir ?
Vous êtes-vous demandé comment le téléphone rose avait été créé ? Le théâtre du Lucernaire a peut-être la réponse avec le spectacle La Ligne rose. Les Années Folles portent bien leur nom grâce à l’abattage de trois comédiennes (et autrices de la pièce) qui donnent de leur voix sans compter pour nous réjouir…
A l’heure des réseaux sociaux et d’Internet illimité, les lignes de téléphone rose semblent bien ancestrales. Pourtant, elles existent encore. Et sont entrées suffisamment dans l’inconscient collectif pour que tout le monde sache de quoi il s’agit. Contre un service tarifé à la minute, des femmes (et des hommes) donnent du plaisir à la personne qui appelle un numéro surtaxé, à l’aide de leur voix et de leur imagination. Ici, tous les fantasmes (ou presque) sont permis et seules les factures de téléphone prohibitives sont choquantes. Mais qui a bien pu inventer un tel procédé faisant encore beaucoup d’émules à travers le monde et rapportant autant d’argent aux compagnies qui en font usage ?
Pour Odile Blanchet, Bérénice Boccara et Sana Puis, pas de doute, il s’agit de l’idée de trois jeunes femmes pendant les Années Folles, opératrices de téléphone de leur état. A elles de passer physiquement les lignes entre les interlocuteurs. Il y a Marthe qui se languit de se trouver un galant, Denise, fille issue de la haute bourgeoisie avide d’indépendance et d’aventures et Jeanne, gouailleuse au grand coeur qui cache un lourd secret. Collègues et colocataires, leurs vies sont rythmées par ce travail harassant, les verres au troquet du coin et quelques frivolités. Jusqu’au jour où Marthe découvre qu’avec sa voix, elle parvient à envoûter un riche abonné du téléphone. En échange de cadeaux luxueux, elle l’emmène au septième ciel, sans bouger de chez elle. Une aubaine dont vont se saisir également ses deux amies, même si cela va finir par leur attirer bien des ennuis…
Sans aucune once de vulgarité, sans s’acquitter d’une bonne humeur contagieuse, les trois comédiennes livrent une prestation souriante, réjouissante et virevoltante. On danse, on chante, on s’émeut, on parle titi parisien, on grivoise, on dégoise, on rêve d’une autre existence et on court d’une aventure à une autre. Marthe, Denise et Jeanne pourraient être nos (arrières)-grands-mères qui auraient dû faire preuve d’inventivité pour survivre et trouver une vie meilleure, dans une époque où les femmes peinaient à quérir leur indépendance. Pièce féministe sans enfoncer le clou pour autant, comédie débridée au langage feutré et fleuri, La Ligne rose est une parenthèse enchantée en cette rentrée théâtrale chargée, promesse d’un moment sans temps mort dont on ne voudrait jamais raccrocher.
Au Théâtre du Lucernaire, 53 rue Notre-Dame-des-Champs 75006 Paris
Du mardi au samedi à 21h et le dimanche à 17h30. Jusqu’au 31 octobre.
