On l’a connu en adolescent poli mais impertinent dans Le Petit journal, découvert en jeune pousse du cinéma français et désormais, le voici du haut de ses 23 ans, en nouvelle star du stand up, foulant la scène de l’Européen pour son spectacle Presque. Panayotis Pascot s’y livre (presque) totalement et fait rire autant qu’il émeut. Un spectacle presque bien ? Non, mieux que ça !
Derrière son aisance et sa nonchalance, se cachent des années de travail acharné. Pour arriver à ce niveau de (presque) confiance et livrer des pans de sa vie en pâture à une salle comble, il faut avoir su se tromper, chuter, recommencer. En Sisyphe poussant éternellement son rocher, Panayotis Pascot est parvenu à atteindre le sommet de la montagne à gravir, tout en ayant conscience qu’on peut monter toujours plus haut. Avec son apparence de fringant mousquetaire version bobo-bio, Panayotis profite d’une renommée en ascension méritée. Lui qui depuis tout petit clame vouloir faire ce métier (ou architecte, ou journaliste), a jalonné son parcours en le visualisant en ligne droite : se rendre à Paris et faire tout ce qu’il faut, avec un culot monstre et une naïveté contagieuse, pour être remarqué de celles et ceux qui osent monter sur scène et leur demander les clés pour réussir ; être engagé par Yann Barthès, qui y fait un véritable pari sur la jeunesse avec ce talent brut, âgé de seulement 17 ans. “On n’est pas sérieux à 17 ans”, disait Rimbaud. Panayotis Pascot l’était pourtant dans sa volonté de divertir les autres. Surtout, en plein succès, il a eu le courage et la pugnacité de savoir s’effacer, de se construire pour mieux revenir. C’est tout ce parcours qui semble long et qui ne le fut pas vraiment finalement, qui se lit sur son visage, lorsqu’il débarque par la porte de secours de l’Européen pour raconter une histoire (presque) simple et tellement universelle.
Son spectacle pourrait tenir en une phrase : embrassera ou n’embrassera pas la fille qui fait battre son coeur ? Telle est la question… Après plusieurs essais infructueux qu’il nous raconte sans pudeur, il est, comme Jean-Claude Dusse dans Les Bronzés, à deux doigts de conclure. Comment un baiser, le premier, celui qui peut tout déterminer, peut-il être aussi compliqué à donner ? Comment cet acte d’amour et de tendresse peut-il à ce point lui valoir des nuits blanches et des plans bourrés de circonvolutions pour parvenir à ses fins ? Surtout que la jeune fille en question semble consentante… Comment et pourquoi ? Panayotis va nous le dire, en 1h30 chrono (ou presque), à force de digressions personnelles et d’improvisations avec le public, sans jamais perdre le fil de son histoire.
Tel est le talent du jeune homme. Un conteur qui captive par un texte bien troussé, une faculté d’autodérision redoutable, une faconde irrésistible, un sens inné des ruptures. Un conteur aussi, qui ne craint pas d’aller dans les retranchements de sa psyché. « Je vous jure, c’est vrai », psalmodie-t-il derrière son micro. Peut-être que tout est vrai, peut-être que la plupart des choses qu’il nous livre sont inventées, mais sur le moment présent, on le croit, on a envie de le croire, car il touche à des points sensibles qui nous concernent (presque) tous : un père incapable de montrer la moindre sensibilité, une mère qui en fait trop dans ce domaine, les chamailleries entre frères et sœurs, les cours de musique qu’on ne veut pas faire mais auxquels on s’adonne tout de même (ici, l’accordéon, instrument d’outre-tombe), les premières boums, les premiers flirts à sens unique, les cours d’école où l’on veut se faire aimer des autres, la maladie des proches qu’on charrie pour conjurer le sort, les choix qu’on fait dans la vie… Alors, embrassera, ou n’embrassera pas ? Nous, en tout cas, on est déjà conquis.
Se faire aimer. Etre aimé. S’aimer. La trinité qui occupe (presque) tout le spectacle de Panayotis Pascot. On pourrait en pleurer, il choisit d’en rire et de partager avec nous ses pans de son existence, ces bouts de son âme comme en une vaste psychothérapie qu’on lui payerait avec joie. Et peu importe si on doit le croire ou non sur parole. Il faut dire qu’il est à bonne école : Fary est son metteur en scène, lui qui a redonné ses lettres de noblesse au stand-up, en le sortant des sentiers rabattus, avec le style qui est le sien. L’élève a-t-il dépassé le maître ? Presque. Ou plutôt non, pas presque. Panayotis le fait à sa manière à lui. Vivement la prochaine montagne qu’il gravira !
A l’Européen (5 rue Biot 75017 Paris) jusqu’au 30 décembre, du jeudi au samedi à 21h30.
