Le comédien Nicolas Taffin est actuellement à l’affiche de la pièce Pigments, à la Comédie Bastille à découvrir jusqu’au 28 avril prochain. Une histoire d’amour entre un neurologue et une artiste peintre, qui alterne rires et larmes avec une facilité déconcertante. Entre deux représentations, il a bien voulu nous confier les coups de coeur de sa vie.
Un album de musique ?
Doolitle, des Pixies (suivi de très prés par Grace, de Jeff Buckley, Supreme, de NTM, Nevermind, de Nirvana, 66 667 club et Des visages, des figures, de Noir Désir). Parce que j’aime l’efficacité de chaque morceau. Ils sont souvent très courts, mais incroyablement nerveux et obsédants. Comme Nirvana, il n’y a aucune fioriture dans les propositions du groupe. Chaque titre est un single. La voix de Frank Black est improbable : saturée, souvent criarde, mais toujours touchante. On peut se lever et danser dans la fosse ou sortir les briquets la larme à l’œil.
Une chanson ?
Il y en aurait 1 000, mais une seule qui peut me faire pleurer à chaque fois que je l’écoute : Ma fille, de Serge Reggiani. J’ai la petite fille la plus formidable du monde alors forcément, cette chanson me projette au moment redouté où elle sera trop grande pour que je la tienne dans mes bras.
Un clip ?
Chandelier, de Sia. Un clip où tout repose sur une vraie performance artistique. Qui plus est réalisée par une jeune danseuse. L’énergie et l’inventivité des mouvements, les intentions qui se dégagent du visage de cette toute jeune fille, sont assez bluffantes. La musique pourrait être coupée que le clip garderait le même intérêt rien que par l’image. J’aime la mise en danger et l’effort et je trouve que cette proposition allie les deux. Je n’imagine même pas la fatigue qui doit découler d’une fin de tournage comme celui-ci.
Un film ?
Pour le pire et pour le meilleur, de James L. Brooks. Pour moi, c’est une pépite d’intelligence et d’interprétation. Les dialogues sont d’une finesse presque disparue aujourd’hui. Pour un dialoguiste, c’est une leçon. Quant à la distribution, elle est en tout point parfaite, avec un personnage taillé sur mesure pour Nicholson.
There will be blood, de Paul Thomas Anderson. L’univers de ce film me fascine. Aussi noir que le pétrole qui est foré. Et que dire du duel Daniel Day Lewis/ Paul Dano ! Il y a un niveau de perfection dans le jeu, un travail sur les détails des personnages qui sont incroyables. À mon sens, c’est l’un des films qui a le mieux traité la question de l’ambition et du prix que l’on est prêt à payer pour parvenir au sommet de la réussite.
Une série ?
Friends. J’ai toujours eu deux wagons de retard sur les modes. J’ai découvert Friends il y a seulement 5 ans et je trouve que c’est une série incroyablement réconfortante. Elle m’enveloppe. Tous ceux qui l’ont vu ce sont à un moment dit que c’était la bande de potes rêvée. Pourtant à bien des endroits il y a plein de choses discutables : le jeu parfois, l’humour de temps en temps, mais il y a une magie qui ne s’explique pas et qui fonctionne. On aime ces personnages sur les 10 saisons, sans condition.
Un documentaire ?
Un récit de la vie, d’Helen Keller née sourde aveugle et muette qui parviendra grâce à une éducatrice Anne Sullivan à communiquer par le toucher. Elle finira diplômée universitaire après un parcours et une détermination qui dépasse tout ce que l’on peut imaginer. Elle écrira de nombreux livres, donnera des conférences un peu partout dans le monde. C’est une femme que l’on peut qualifier de hors-norme sans risque de galvauder le terme. En parallèle à ça, son amitié avec Anne Sullivan et l’aide presque sacrificielle que lui apporte cette dernière font de ces deux femmes des personnes exceptionnelles.
Un roman ?
La Ligne verte, de Stephen King. Incroyablement fort pour sortir de son cerveau des histoires originales et captivantes. De plus, le contexte dans lequel j’ai découvert ce livre a contribué à l’ambiance. Au moment de sa lecture, j’étais en voyage en Birmanie. J’étais dans une sorte de chambre d’hôte tenue par une expatriée française très étrange. Si on ajoute à cela l’ambiance pesante qui régnait dans les rues, les militaires qui circulaient non-stop, les pluies torrentielles dues à la saison des moussons et la chambre légèrement glauque dans laquelle je dormais, on peut se dire que l’ambiance était formidable pour rencontrer John Coffey. J’ai dévoré ce livre.
Une bande dessinée ?
Comment Obélix est tombé dans la marmite du druide quand il était petit. C’est la toute première BD que j’ai reçue à Noël lorsque j’étais petit. Elle m’a fait découvrir les personnages de Goscinny et Uderzo qui m’ont accompagné pendant des années. Tout mon argent de poche passait dans l’achat des volumes. Je les dévorais, puis les relisais à l’infini. Je m’en suis presque fait des compagnons de vie jusqu’à mes… 15 ans je pense.
Une exposition ?
Je ne cours pas les expositions. Je suis assez inculte dans le domaine. En revanche, j’avais été très séduit par le Musée Guggenheim de New York. Plus que les collections qu’il abrite dont je ne garde finalement qu’un très vague souvenir, j’ai adoré l’architecture du bâtiment.
Une photographie ?
Tank Man, de Jeff Widener. Cet homme seul face à quatre chars chinois représente à la fois le courage ultime, l’inconscience et le désespoir le plus total. Mais cette photo se complète avec la vidéo prise au même moment et qui apporte encore une autre dimension à la scène. On voit cet homme barrer la route avec détermination aux chars, monter dessus, discuter avec le conducteur, redescendre, faire une nouvelle fois barrage. Et alors que la photo laissait voir un petit homme condamné par ces énormes machines, qu’on l’imagine presque écrasé ou tué, la séquence de la vidéo inverse complètement cette impression. Ce sont les machines qui sont domptées, l’homme devient une sorte de dresseur dominant. La situation devient quasi jouissive, drôle et cocasse. Nous faisant presque oublier l’événement dramatique qu’il souligne.
Un spectacle ?
Alexandra David-Neel, pour la vie… de et avec Pierrette Dupoyet. Incroyable souvenir de jeunesse. J’ai découvert ce spectacle alors que j’étais encore en formation dans mon école de théâtre. Un décor presque improvisé dans un petit café de quartier, mais plein à craquer. La fougue, l’énergie avec laquelle cette comédienne nous a fait vivre le voyage de la première femme à avoir pénétré Lhassa m’a littéralement transporté. Au noir final, c’était la première fois qu’un bravo était sorti de ma bouche sans que je ne le contrôle.
Un plat préféré ?
Le tiramisu de ma compagne. Du coup, je ne peux plus en manger au restaurant. À chaque fois, je suis déçu.
Une activité sportive ?
Celle que je pratique le plus : le fitness et la musculation en salle. Celle que j’espère reprendre très vite : la boxe anglaise.
Une citation ?
« Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. À te regarder, ils s’habitueront » (de René Char). Dans le monde tel qu’il nous est proposé aujourd’hui, où l’insouciance est presque devenue une utopie, j’ai le sentiment que faire sienne cette citation est une preuve de liberté et de courage absolu. C’est un idéal de pensée auquel j’aspire et sur lequel je travaille chaque jour : la route est encore longue, mais le pas est alerte.
Une maxime dans la vie ?
Être aimé, pas envié. Faire ce que j’aime, pas ce que l’on attend de moi. Me regarder chaque jour et me reconnaître. Apprendre encore et toujours de tout.
Votre actualité ?
J’ai l’immense bonheur de jouer Pigments au théâtre La Comédie Bastille. Son directeur Christophe Segura ainsi que l’équipe qui l’entoure sont des gens formidables. Pigments est une pièce dont je suis l’auteur. C’est une histoire d’amour entre une artiste peintre et un neurologue. Je partage la scène avec Mathilde Moulinat (qui est tout aussi formidable d’ailleurs).
Merci Nicolas !
