Cécile Covès est actuellement seule sur scène dans son tout nouveau spectacle « La Trajectoire des gamètes » de Laura Léoni, à La Manufacture des Abbesses, mise en scène par Morgan Perez. Entre plusieurs séances chez le psy et des examens gynéco pour préparer un don d’ovocytes, elle nous raconte aussi son enfance. Petite fille conçue par un couple de femmes, ayant grandi au sein d’une famille recomposée, elle nous touche en plein cœur par son récit qui nous fait aussi beaucoup rire et réfléchir. J’ai voulu en savoir plus…

Bonjour Cécile, vous incarnez seule sur scène plusieurs personnages qui se répondent, se questionnent, se livrent. On rit, on est ému. Quelle est tout d’abord la genèse de ce spectacle ?
J’avais depuis très longtemps envie de raconter non pas le don d’ovocytes mais comment je suis née. Parler de mes deux mamans qui m’ont laissé la possibilité de choisir. C’est-à-dire que je me suis construite en sachant d’où je viens : je sais qui est mon père biologique. Savoir qui est son géniteur me semble important. C’est une façon de replacer l’enfant au cœur de l’histoire. D’ailleurs depuis peu, les enfants nés de dons vont avoir le choix de pouvoir rencontrer leurs géniteurs s’ils le souhaitent à leur majorité. Quand on donne maintenant, on signe cette autorisation.
On n’a pas encore beaucoup de paroles d’enfants dans la génération des trentenaires, quarantenaires, qui ont connu l’homoparentalité. C’était important pour vous d’en témoigner?
Oui. C’est aussi la preuve que tout va bien, on peut avoir eu deux mamans et se sentir parfaitement heureuse. L’équilibre d’un enfant dépend de l’amour et de la confiance qu’on lui donne. D’ailleurs ça a été moins facile avec mon beau-père, après leur séparation.
Vous n’avez pas écrit vous-même. Cela vous a-t-il aidé à vous réapproprier votre propre récit ?
L’auteure, Laura Léoni, nous a écouté longuement. Elle a pu tisser le récit à partir de nos souvenirs et de nos ressentis, ceux de ma mère, de Babette sa compagne, et des miens. J’ai repris de la distance sur mon histoire. Je me suis rendue compte en parlant du don d’ovocytes que je venais d’une famille où l’on donne. Ma mère a beaucoup travaillé dans le social. C’est ce qu’on m’a transmis. C’est un choix d’avoir un enfant et il faut qu’il soit follement désiré, comme je l’ai été. C’est grâce à Jean-Louis mon géniteur que je suis là. Il a aidé mes mamans à une époque où rien n’était possible légalement.
C’est très intéressant justement de parler ainsi du désir ou non d’être mère. Là aussi cette injonction faite aux femmes est très intelligemment questionnée. Parlez-nous de votre choix : donner une chance à des femmes qui ne peuvent avoir d’enfant ?
J’ai écouté un podcast qui m’a incité à réfléchir. Je n’aime pas l’injustice. Je me suis dit : « Moi je peux avoir des enfants mais je n’en veux pas et d’autres en veulent mais ne peuvent pas ! ». Si un enfant doit être follement désiré… On s’étonne du choix des gens qui n’en veulent pas. Mais on pourrait tout autant interroger les motivations de ceux qui en ont eus.
On parle peu du don d’ovocytes, on découvre à quel point, c’est un parcours médical difficile pour les femmes en fait…
En effet ça demande un suivi gynéco, psy, on prend des hormones. C’est un parcours difficile oui et j’avais envie d’en parler.
Je trouve la mise en scène, la direction d’acteur de Morgan Perez très intelligente. Est-ce que c’était important qu’un homme s’empare aussi du sujet à vos côtés ? Comment s’est passé votre collaboration ?
Il m’a très bien guidée, emmenée là où trouver la justesse. Chaque personnage défend sa vision. C’était courageux à l’époque ce que Babette et ma mère ont entrepris. Il a eu raison de me le redire, de m’aider à reprendre cette distance nécessaire pour incarner des femmes que je connais bien, dont moi-même. Nous avons fait un travail qui ressemble à celui que l’on fait au cinéma.
Merci beaucoup Cécile pour ce très beau spectacle tout en subtilité qui émeut chacun pour diverses raisons : l’éducation, l’homo parentalité, l’enfance, le choix des femmes…
“La Trajectoire des gamètes” du mardi au samedi à 19h à la Manufacture des Abbesses 7 rue Véron 75018 Paris
Réservations : https://www.manufacturedesabbesses.com
