Espionne Expiatoire !
Avec une belle écriture servie par une distribution de haute volée et une belle mise en scène qui conduit Mata Hari d’un autel sacré à une prison-cage, Mata Hari l’espionne expiatoire reprend vie au théâtre du Montparnasse.
Le soleil qui s’est éteint à l’aube.
Le 15 octobre 1917, le destin romanesque de Mata Hari, prend fin au petit matin par les balles d’un peloton d’exécution.
Née en 1876 aux Pays Bas, Margaretha Geertruida Zelle, de son vrai nom, profite d’une enfance heureuse. C’est une « fille à papa » très choyée. Mais à l’adolescence les drames familiaux s’enchaînent : faillite de son père et décès de sa mère. Envoyée en pensionnat, elle réalise pendant ce séjour son pouvoir de séduction. Il faut dire que son physique dénote : bien plus grande que la moyenne, une peau basanée et une longue chevelure brune au milieu de chevelures blondes la font paraitre comme « une orchidée au milieu de boutons d’or ». C’est à cette période aussi qu’elle commence à avoir des envies d’un destin plus grand que son pays.
Son mariage, à l’âge de 18 ans avec Rudolf MacLeod, officier de la marine néerlandaise, qui en a presque le double, lui fait découvrir Les Indes Néerlandaises. Plus précisément Malang, dans l’état de l’Ile de Java, où est muté son mari
Ce mariage se révèle désastreux et se termine par un divorce. La garde de leur unique fils est confiée à son père. Cette approche d’une autre culture lui sera utile pour créer sa légende.
Quand Margaret devient MATA HARI puis H21
Margaret vient vivre à Paris où, pour subvenir à ses besoins, elle devient cocotte. Pour se distinguer de ses consœurs, elle s’invente un destin de danseuse sacrée de Shiva et prends le nom de Mata Hari (l’œil du jour / soleil en malais).
C’est sur ce tableau que s’ouvre la pièce. Ariane Mourier/ Mata Hari interprète une danse sacrée tout en contre-jour. C’est cette performance du 13 mars 1905, réalisée à l’invitation d’Émile Guimet (le collectionneur et fondateur du Musée) dans son salon qui lancera la carrière de Mata Hari. Tout Paris souhaite voir cette danseuse orientale qui s’offre à demi-nue au dieu Shiva. L’alibi culturel permet à de nombreux hommes de voir ce strip-tease en toute bonne conscience. Mais cet engouement est éphémère.
Quand la première guerre éclate, la seule danse que pratique Mata c’est la valse, la valse des amants qui contribuent à lui maintenir son train de vie. L’un d’entre eux, allemand, voit en elle la polyglotte qui fréquente le beau monde français, la personne idéale pour le renseignement. Mata Hari servira donc les intérêts allemands sous le nom de H21, avant de travailler au gré de ses amours également pour la France.
Si elle est formidable aventurière et courtisane, elle est bien mauvaise espionne, qui ne récolte que des renseignements de faibles intérêts. Ce double jeu, Mata Hari ne sera pas capable de le tenir et sera trahie par les Allemands qui s’en débarrassent astucieusement en la livrant aux autorités françaises.
Un tête-à-tête poignant et des flash-back virevoltants
Février 1917 : La France est en pleine débâcle militaire et souffre d’espionnite aigue. C’est à ce moment qu’a lieu le premier interrogatoire entre le capitaine Bouchardon (Oliver Claverie) et Mata-Hari. Bouchardon doit alimenter un dossier d’accusation bien pauvre et apporter les preuves que Mata est bien coupable d’intelligence avec l’ennemi. Le jeu tout en nuance et intelligence d’Oliver Claverie donne une grande humanité à ce capitaine qui oscille entre son devoir de trouver une victime expiatoire et l’attachement à cette femme, dont la seule culpabilité est celle de s’être attachée à des hommes qui la trahiront les uns après les autres. Ariane Mourier interprète une Mata Hari subtile et touchante, qui s’aperçoit au fur et à mesure que si elle s’est inventé un personnage de roman, ce n’est pas elle qui écrira la fin de son histoire. Livrés en flash-back et split screen, les instants clés de sa vie sont interprétés par des virevoltants Bruno Paviot, (magnifique dans la pièce sur Zola) et Maud Le Guénédal qui interprètent tous les personnages phares du destin de Mata.
Théâtre du Petit Montparnasse, 31 rue de la Gaité, 75014 Paris
Du mardi au samedi à 21h et les dimanches à 15h
Durée : 1h30
